BASA

T émoignages et documents 211 en conformité des plans medités dans l'obscurité des clubs et retracés par un religieux de St-François 41 pour l'usage que l'on devait faire des maisons reli– gieuses, on prepara si adroitement et en secret la dîssolution de deux cou– vents, l'un des Cordeliers et l'au tre des religieuses dittes de Lorraine, qu'il fallait un Bruni pour s'en permettre l'execution sans la participation du gou– vernement superieur, et le mode dont il se servit pour remplir son dessein et contenter la société d'impies qui l'environnait ne laisse aucune ambiguité sur ses projets destructeurs de la religion. Le coup se porta le seize decembre de la meme année. On environna vers les onze heures du matin le couvent des religieuses de Lorraine , aux– quelles, par surcroit d'injustice et d'inhumanité, on defendit de ne rien expor– ter ni de leurs chambres ni meme leurs linges personnels sous le specieux pretexte de preparer des lits pour la troupe. On les fit sortir vers les quatre heures du soir, et on les partagea par moitié pour les refugier partie dans le couvent de la Visitation , partie dans celui de S.te Catherine. Ensuite on y laissa l'econome du couvent avec deux converses pendant 6 jours pour la confection de l'inventaire dont on chargea un sujet digne de la confiance du commissaire et dont l'ardeur patriotique et l'immoralité conduite par un defaut de droiture de l'esprit et du coeur doivent faire place dans l'histoire. L'enchere suivit de près la sortie des religîeuses. Les ameublements tant sacrés que profanes se vendirent à vil prix, et l'on se hatat d'en faire l'expedition au point que si les murailles de la maison et du clos n'en fesoient mention, on serait reduit à douter qu'il ait existé une maison religieuse. Les Cordeliers subirent le landemain le meme sort. On fit investir à l'heure du diner le couvent par la Garde nationale et on ne permit à ces reli– gieux d'exporter leurs ameublements de chambre que pour leur donner ordre de partir incessament pour le Piemont. Et on leur fit croire qu'ils seraient incorporés dans les autres maisons de l'ordre, ce qui occasionna une vente precipitée et un prix arbitraire de leurs pauvres meubles. Les vases sacrés, les ornements de l'église et les autres meubles de la maison furent vendus incon– tinent après un inventaire incalculé dont le fameux commissaire Bruni eut soin de charger un personnage consumé en ruses et trop asservi à ses volontés pour ne pas s'en acquitter selon sa haine pour la religion. On encherit en impiété et en sacrilege dans la destruction de ce couvent. Les autels, les croix, les statues étaient pele mele foulés aux pieds de ces expeditionnaires, les pierres meme du sanctuaire furent enlevés pour aller servir d'ornement à des soi-disant pallais que le commerce agiotique avait fait elever. A voir enfin l'eglise des Cordeliers qui etoit un vase assez beau et etendu on diroit meme qu'il n'a jamais existé pour un sanctuaire mais plutot pour une maison de theatre. L'avidité fit bientot expedier tout ce qui servait à l'ornement de cette belle église et le couvent fut vuidé dans quelques mois 42 • Cette execution fut suivie de près d'un ordre que le meme commissaire fit publier dans la ville comme dans toute la province de livrer les cloches qu'on appelloit de luxe, et de n'en laisser qu'une chaque clocher 43 . Des emissaires dignes executeurs des volontés (41) Il s'agit sans doute du père Jean-Joseph Favre. (42) Sur l'expulsion des cordeliers, cf. P. FÉLIX, Les Cordeliers cit., p. 104 et sqq. Sur l'expulsion des Capucins, cf. Io., Les Enfants de saint François au Val d'Aoste. 2. Les Capucins, Aoste 1958, p. 165 et sqq. (43) Sur l'affaire des cloches, cf. infra, p. 242 et sqq.

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