BASA

Témoignages et documents 219 leur fortune par leurs richesses. Le titre si cher et si vanté de citoyen fut remplacé par celui d'Altesse, de Monseigneur, de Connetable, de Marechal et de Monsieur. Le blason reprit sa place et l'ancien succeda au nouveau. Cette nouvelle elevation du premier Consul, laissa de grands mecontente– ments à ceux qui avoient tant travaillé pour l'etablissement d'une republique. Il se fit des fermentations dans l'interieur de la Frnnce comme au dehors. Une conjuration se decouvrit contre la vie de Bonap:trte. Des generaux jaloux et mieux meritants en furent declarés complices, et ce fut le cabinet de Londres qui en eut tout l'odieux. Le luxe, la magnificence, l'attirail des plus grands monarques, la somptuosité dans la table et les habits et les excessifs honoraires firent honneurs aux thresors envahis de l'Italie, de la Hollande, des Pays Bas et de la Suisse. La cour du nouvel empereur des Français se formoit tous les jours avec les titres honorifiques qu'on avoit tant blamés sous le regne des Bourbons et de leurs predecesseurs. Bien plus, on encherit sur le luxe des temps les plus reculés. On vit à cette nouvdle creation d'un empire le faste français aller jusque sur le bord des habits de femmes qu'on serpentoit avec l'or et l'argent. Paris devoit par là devenir la capitale du monde, autant par la population que parce qu'elle etoit regardée comme le centre des arts, des richesses, des plaisirs, et gouvernée par un homme corsais qui, pour avoir reussi d'anneantir la cruauté et la tirannie du Directoire, reunit en sa personne toute la puissance capable d'éteindre une republique qui avoit tant couté de sang, pour redresser un throne renversé depuis douze ans. Mais cette elevation, quoiqu'affermie par la force et l'intrigue, ne meritoit pas encore toute la gloire dont on peut jouir au milieu d'une cour brillante et nouvelle, si elle n'étoit accrue par le suffrage et la main du Souverain Pontife de Rome. Bonaparte rechercha donc par plusieurs lettres sa determination à venir le couronner. Pie VII se laissa flechir, et on peut croire que ses inten– tions tendoient à l'avantage de la religion et à la paix generale. Mais quoiqu'il en soit des motifs du Souverain Pontife à condescendre au desir du nouvel empereur des Français qui certainement devoit exciter la jalousie de l'empire d'Allemagne et la fureur des monarchies coalisées contre la France, il promit de passer les monts pour se rendre à Paris. Cette promesse donna lieu à une publication generale dans tout l'em– pire français aussi bien qu'en Piemont, pour y attirer et grossir le nombre des spectateurs. On fut ensuite obligé de la moderer et de la restreindre aux chefs des autorités constituées, crainte d'une sedition populaire, et quelques mois avant l'epoque du depart du pape on fnt constraint de prohiber à tous les prefets des departements de n'expedier aucun passeport pour Paris. Pendant cette intervalle on fit des preparatifs immenses dans cette capitale de l'Empire pour le couronnement du nouvel empereur. Jamais depuis l'origine de la monarchie française on n'avoit vu tant d'energie et de somptuosité pour se preparer à voir un etranger monter sur le throne des legitimes souverains, et jamais l'emphase français n'allat plus loin pour se repaitre du glorieux nom qu'il se donnoit de conquerant de l'univers, qualité immortelle, si la justice des armes l'avoir acquise et si la trahison et la ruse n'avoit prosperé ses etendarts. En consequence donc de sa promesse, le pape partit de Rome le 3 novem– bre 1804 avec un petit corthege, et suivi seulement de six cardinaux. Sa marche fut assez precipitée, dans une saison rigoureuse, pour laisser croire qu'il voulait diligenter son operation. Il arriva à Alexandrie le dix novembre sur

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