BASA
286 J.-F. Rouiller de siècles, la charité chrétienne veille avec une affectueuse sollicitude sur ceux qui s'engagent dans ces mornes vallées. Celle qui conduit à l'hospice est d'abord champêtre plutôt que pittoresque, jusqu'à ce qu'elle devienne belle de nudité et de désolation, plutôt encore que de grandeur ou d'éclat. Choisissez donc cette voie, faites votre pèlerinage à l'hospice, vous qui trouvez, avec raison, plus de beauté dans ce monument d'une ch rétienne pensée que dans les merveilles des glaces éternelles ou dans la majesté des forêts séculaires. » 8 * Au cours de ce Voyage de 1839, Toepffer nous relate un fai t amu– sant et assez instructif. L'éducateur et sa troupe parviennent à l'hospice du Grand Saint– Bernard, venant de Martigny. « Le feu fait plaisir à l'hospice, le dîner encore plus. ... La chère et simple, mais excellente, et, ce qui nous importe plus encore, abondante. Un monsieur dîne avec nous. On cause. Il s'agit de la route à ouvrir par le Saint-Bernard . L'entretien va bien jusqu'à ce que nous venions à découvrir que ce bon rn.onsieur s'imagine que le bas Valais veut percer un tunnel par-dessous la montagne. Grande idée ! mai s nous ne nous y attendions pas ! » 9 Comment interpréter ce passage, dans lequel les promoteurs du tunnel du Grand Saint-Bernard , à la suite d 'un article 10 où, voici bien des années , nous faisions part de notre perplexité quant à la réussite de ce projet tel qu'il était alors envisagé, ont cru voir une preuve d'antériorité de l'idée du percement du Saint-Bernard par rapport à celui du Mont– Blanc, alors que c'est selon toutes probabilités le contraire ? En dépit de recherches approfondies, on ne trouve en effet aucune mention de communication souterraine possible par le Grand Saint-Ber– nard avant 1851, c'est-à-dire douze ans plus tard, lors d'une grande enquête entreprise en commun par des experts des royaumes de Prusse, de Sardai– gne et de la Confédération suisse portant sur tous les passages alpestres reliant les deux derniers pays ; encore ces experts omirent-ils de visiter le Saint-Bernard, sous le prétexte de la saison trop avancée. Il apparaît probable qu'en un temps où l'on ne parlait donc ni de route ni de chemin de fer entre Martigny et Aoste, et encore moins de tunnel , le personnage en question, dont nous ignorerons sans doute toujours l'identité, avait entendu parler, sinon de la prophétie de de Saussure ou de la pétition du village de Courmayeur en 1814, du moins (8) TOEPFFER, R., Premiers voyages en zigzag, Paris, éd. Garnier, 1922, t. Ier, pp. 284-287. (9) TOEPFFER, op. cit., t. Ier, p. 303. (10) Voir « Tribune de Genève», n° des 8-9 mars 1947. article intitulé T unnels alpins - Y a-t-il rivalité entre le Mont-Blanc et le Grand-Saint-Bernard ?
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