BASA

100 L. -A. Colliard de son seiour à Solesmes 49 , et dont il a traduit des poèmes du recueil The Unknown Eros 50 • Patmore n'est cité que deux fois, en passant, par André Vachon. Or, M. Marius-François Guyard, dans la quatrième étude de ses Recherches claudéliennes (avant même la parution du tome I de l'ouvrage d'Alexander Maurocordato cité au début de cet article) a montré l'influence multiple de Coventry Patmore sur Claudel, qui lui doit surtout 51 la certitude que le monde est fini 52 , certitude pressentie dans l'Eureka de Poë 53 , confirmée par les thèses du savant A. Wallace 54 , et inlassablement affirmée dans l'Art poétique et dans les Odes. C'est bien Coventry Patmore qui a aidé Paul Claudel, le Claudel anxieux de Tête d'Or et de La Ville, à se délivrer du vertige pascalien de l'In- (49) Ce n'est pas - comme l'affirme A. Vochon (p. 185) - à Ligugé, où habitait alors un autre célèbre oblat, Huysmans, i:;ais 21 Solesmes (Sarthe) qu'un ami anglais révéla à Claudel l'œuvre de Coventry Pa;mmc. Retour de Chine, au printemps 1900, Claudel allait alors prendre une retraite dans la célèbre abbaye de Bénédictins, à Solesmes, tout détaché du monde et bien décidé à entrer en religion. C'est à Solesmes aussi qu'il commence à écrire Les Muses, la première des Cinq grandes odes. (50) Les traductions de Coventry Patmore se trouvent maintenant dans le volume de Claudel Œuvres poétiques, Bibiiothèque de la Pléiade, Edit. Gdlimard, Paris, 1957. (51) Outre le mythe d'Eros et Psyché, et sa mystique traduite par des images charnelles ; outre encore, conjointement avec Pindare, la forme même de l'ode, er, plus tard, l'hymme à l'amour conjugal. (52) Tandis que pour Pascd l'univers est infini, et la pensée de cet infini était une source de vertige (« le silence éternel de ces espaces infi11is m'effraie».. etc... ), pour Claudel l'univers esr fini, clos, fermé, limité. Voici à ce propos ce qu'il écrivit le 28-1-1908 à Jacques Rivière, qui était alors le directeur de la Nouvelle Revue Française (Cf_ Cor– respondance Claudel-Rivière, p. 129 : «Cette idée d'un monde fini et fermé, d'une terre seule habitée par des êtres vivants et intelligents, que j'ai trouvée dans Coventry Patmore et qui m'a été confirmée scientifiquement par Wallace, est pour moi une source de lumière. Cette idée de l'infini, dont Renan s'énorgueillit si bêtement comme d'une conquête pré– cieuse, n'est au contraire que l'imagination de cerveaux barbares et enfantins. C'est ainsi que les anciennes cartes peuplaient les informes confins du monde de monstres et de prodiges ... Le Ciel est une extase mathématique, et l'infini qui n'est que l'imparfait n'y a aucune place_ .. ». (53) Eureka, an Essay on the material and spiritual universe, bizarre poème cosmo– gonique en prose, fut rédigé en 1849 par l'américain Edgar Allan Poe ( 1809-1849), qui exerça une influence remarquable sur les poètes symbolistes français. Il y développe le sens de l'unité du monde, de sa spiritualité et de Li communion de l'homme avec Dieu, dans une sorte de panthéisme universel, tout en attaquant les gens qui acceptent l'infini. Cf. aussi Paul Valéry, Au sujet d'Eureka (Variétés), où l'auteur de La Jeune Parque expo– se et apprécie cette véritable Cosmogonie de Poe. Vers 1903, Claudel a relu Eureka et a été alors surtout sensible à ce qui y annonce les intuitions patmoriennes. Cf. encore P. Brunel, Claudel et Edgar Poe, n. 101-103 de la Revue des Lettres Modernes, Paris, 1964, pp. 99-130. (54) Il s'agit du naturaliste anglais Alfred Russel Wallace ( 1823-1913) qui exposa à peu près en même temps que Darwin les mêmes idées sur l'origine des especes et la sélection naturelle. C'est en 1903 qu'il publia Man's Place in the Universe, dont Claudel recommandait la lecture à ses amis. Il y avait ressemblance entre le Cosmos d'Eureka et celui que décrivait le savant britannique : un monde fini, organisé autour d'un système solaire dont la terre est le centre. Cf. ,encore, entre autres, les lettres de Claudel à André Gide, du 8 novembre i908 et du 26 février 1910 (Correspondance Claudel– Gid,e, pp. 91-92 et p. 125), ainsi que la lettre à Valery Larbaud du 11 octobre 1911 citée par G.-Jean Aubry dans Valery Larbaud, sa vie et son oeuvre, I. La jeunesse (1881-1920), Editions du Rocher, Monaco, 1949, p. 185.

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