BASA

Il y a cinq ans déjà que j'ai l'honneur de pouvoir me prévaloir de ma qualité de membre de l'Académie Saint-Anselme, cinq ans que mon nom s'est insinué dans la nomenclature que publie chaque année le plus somptueux bulletin académique que je connaisse. Et pourtant, Messieurs, ce n 'est qu'aujourd'hui que je me présente devant vous pour la pre– mière fois. Ce n'est pas, soyez-en assurés , que j'aie délibéremment négligé cette cérémonie : deux fois déjà, je m'étais préparé à « comparaître » devant votre aréopage , et deux fois des incidents de carrière me contraignirent, malgré moi, à y renoncer, subitement déplacé à New York.. . ou à Athè– nes, au jour fixé . Une troisième fois, ce fut une tempête qui s'interposa dans mon cheminement vers votre cité, me retenant bloqué à Chamonix, le téléphé– rique de la Vallée-Blanche ayant interrompu son service devant le dé– chaînement des éléments. Et puis, malgré les moyens de plus en plus rapides que la technique met à notre disposition, il y avait toujours entre nous ces six heures de route ajoutées aux aléas de la saison, pour passer de Genève en Aoste par le Mont-Joux ou le Petit-Saint-Bernard. Telles sont, Messieurs, je ne dis pas la justification, mais les causes de mon retard, et mon premier propos sera de vous prier de m'en excuser. Mais aujourd'hui, il n'y a plus entre nous ... de Pyrénées, si vous me permettez cette approximation, puisque le Mont-Blanc, de barrière qu'il fut depuis les origines du peuplement humain de nos régions, est devenu, dès cette année, un lieu de passage certainement aussi fréquenté que le Styx lui-même... Il n'y a plus de Mont-Blanc.. . et il n'en a pas fallu moins, Monsieur le Président, pour que je puisse enfin répondre, sans défaillance, à l'aimable invitation que vous me fîtes , il y a tout juste quinze jours, à deux pas d'ici. Je ne vous cacherai pas que j'ai depuis mesuré combien j'avais été présomptueux de l'accepter sans autre, et par avance je fais appel à votre indulgence pour ce qui va suivre : deux semaines, desquel– les on ne réussit à distraire , par bribes, que quelques heures, c'est bien peu pour préparer une communication de la qualité de celles auxquelles vous êtes accoutumés en ce cénacle .