BASA
328 R. Villard De T haire C'est un des maux de notre époque que nous n'avons pas encore réussi à subjuguer, que de nous entraîner dans un tourbillon d'occupa– tions qui ne sont pas toutes, et de loin, existentielles . On crée chaque jour des machines plus rapides, et pour elles on construit des routes spacieuses, on fore les montagnes, on jette des ponts gigantesques sur les vallées, tout cela pour gagner des minutes ou des heures que l'on prétend précieuses. Mais qu'en fait-on de ce temps ainsi gagné, à quoi nous sert en définitive cette quête du temps perdu, sinon d'en perdre davantage en– core dans un surcroît d'affaires nouvelles, alors que la seule vraie culture de l'esprit et de l'âme ne se peut acquérir que dans le silence et la méditation, voire dans des échanges comme ceux que nous peut ménager une Compagnie telle que celle qui est rassemblée ici, et qui ne s'acco– modent point de hâte ni de tumulte. Hélas ! ces considérations qui expriment bien le fond de ma pensée me condamnent moi-même, car je dois l'avouer, c'est précisément cette hâte qui a marqué la préparation des remarques que je vais vous communiquer. Je vous prie donc de n'y pas chercher le morceau oratoire que vous seriez en droit d'attendre, mais simplement quelques notations, dont la compilation n'a cependant prouvé que le sujet méritait l'étude exhaus– tive que je n'ai pas eu le loisir de réaliser dans un si bref délais. Qu'à tout le moins, Messieurs, vous m'accordiez le bénéfice des circostances atténuantes... Notre siècle qui voit un si prodigieux développement des sciences et une telle accélération dans la succession des découvertes, des inves– tigations et des réalisations, ce siècle qui est celui de toutes les com– munications, terrestres et aériennes, des voyages interplanétaires, ce siècle de la radio, de la télévision appliquée même à l'étude interne de la machine humaine, ce siècle qui aura vérifié les vues d'Aristotele sur l'atome et qui, par le moyen du carbone 14, est à même d'effectuer des datations remontant à des millénaires, ce siècle enfin de l'industrialisation outrancière qui enfante sous nos yeux d'Occidentaux une nouvelle civi– lisation, celle des loisirs, aura enfin justifié, sanctionné, normalisé un des cheminements que l'instinct de l'homme primitif avait découvert il y a dix mille ans peut-être, démontrant que l'itinéraire le plus naturel entre !'Extrême - Occident européen et les centres qui ont donné nais– sance à notre civilisation méditerranéenne et chrétienne - Athènes, Ro– me, le Proche-Orient - passe par Aoste et par Genève ! Cette sanction, Messieurs, c'est la Commission économique pour l'Europe qui l'a prise quand, organisant et classifiant, en 1947, le réseau des grands itinéraires routiers européens, ce qui n'avait pas été fait depuis le temps de Rome, elle donna la qualification E 2, c'est-à-dire de grand itinéraire européen No 2, à la route Londres-Brindisi par Paris
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=