BASA

Discours prononcé à Grenoble 35 Cette dernière traduction est la seule qui a retenu mon attention, dans la mesure où, du propre aveu de Claudel, Patmore a exercé une influence décisive sur l'œuvre per– sonnelle du poète français. Messieurs Guyard et Maurocordato ont effectivement trouvé, surtout dans les Cinq Grandes Odes et dans La Cantate à Trois Voix, quelques versets que l'on peut rap– procher de certains passages de Patmore, sans qu'on puisse affirmer toutefois qu'il s'agisse d'influence réelle plus que d'une simple communauté d'inspiration. Mais alors que Messieurs Guyard et Maurocordato, à la suite de Valery Larbaud qui en 1911 avait pourfendu Davray, critique du Mercure de France, coupable d'avoir éreinté les traductions patmoriennes de Claudel, s'accordent à trouver celles-ci géniales, j'ai pris la peine de les exami– ner dans le détail. C'est avec une certaine surprise que j'ai découvert alors les grandes libertés que Claudel prend avec son mo– dèle, et il m'a paru utile de faire le départ entre les diffé– rences dues aux lacunes de Claudel dans la connaissance de l'anglais, et celles qu'explique le génie propre du poète français. En quelque sorte, la comparaison des deux textes nous permet d'examiner comme à la loupe les particularités, les maniérismes de l'auteur des Cinq Grandes Odes, de sur– prendre les procédés de l'alchimie mentale qui a permis par ailleurs l'épanouissement de ses chefs-d'oeuvres, dans un foisonnement de mots et d'images. Qu'il ait trahi ou non son modèle, Claudel échappait à ses reproches éventuels, puisque Patmore était mort quel– que dix ans auparavant (Le fils de celui-ci, Francis Patmore, lui décerna un « satisfecit » à vrai dire mesuré) . Claudel, lui, parvenu au faîte de la gloire, allait éprou– ver l'amer sentiment d'être sans défense devant ses traduc– teurs étrangers, qui - par le jeu des « copyrights » échappaient en grande partie à son contrôle.

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