BASA
132 H. Passerin d'Entrèves fiance et de haine. Il faut bien croire qu'il y avait quelque chose de sincère dans ses propositions, puisqu'il se situait sur le bord d'une tradition familiale encore imprégnée d'ha– bitudes, de valeurs chrétiennes, à peine transformées en une sorte de code moral laïque. Lorsqu'il demandait au chef de la catholicité de faire pénétrer dans l'Eglise l'esprit de la li– berté, pour pouvoir signer cette paix, plus importante - di– sait-il - que le traité de Westphalie; lorsqu'il le rassurait, en promettant au nom de ses compatriotes qu'il aurait été mieux soutenu sur son trône spirituel par l'appui de l'opi– nion publique italienne que par la diplomatie des puissances qui l'avaient assisté d'une manière si équivoque, il sortait bien de l'ornière du libéralisme anticlérical et jacdbin qui menaçait la tolérance, après avoir glorifié l'esprit de toléran– ce d'un point de vue théorique. Il y avait dans ses proposi– tions quelque chose de l'esprit réformiste des catholiques li– béraux français, qui n'avaient pas oublié le meilleur côté des libertés gallicanes, en préférant la distinction des deux pou– voirs aux empiétements réciproques: Montalembert avait in– venté dans cet esprit sa formule, dont Cavour s'emparait, non sans provoquer son indignation. C'est que Montalembert, jus– tement, n'avait pas confiance en la politique de Cavour, et n'avait pas oublié les lois d'expropriation des biens ecclé– siastiques, de suppression de certains ordres religieux, que Cavour avait appuyées en acceptant encore une perspective joséphiste. Le passé pesait sur l'avenir: et surtout, un certain patriotisme catholique français butait contre les ambitions étatiques du patriotisme italien. Les carholiques libéraux de France jetaient par-dessus bord la tradition napoléonienne et ce qui leur paraissait lui être lié dans le nationalisme éta– tique italien. Ils attribuaient encore à la France, au royau– me très chrétien, la mission de sauver le Saint-Siège et l'Egli– se, menacés par ce qui était sorti, pour tout dire, de la « mauvaise France » (les fils des croisés luttaient toujours contre les fils de Voltaire, et le combat se déplaçait en Ita-
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=