BASA

20 A. Zanotto J'ai connu le vieux montagnard qui rêvait au temps où le col entre Rhêmes et Valgrisenche était fréquenté au moins chaque jour par une vingtaine de personnes, qui trouvaient toutes, suivant la bonne tradition des Valdôtains, dans l' al– page de notre ami un bol de lait, un café, un verre de vin, ou, au besoin, un repas copieux. Et nous étions en ce moment, à Plontaz, trois personnes seules, dont deux ne sont plus sur cette terre. Notre ami, en nous désignant un vieux mélèze qui mesurait quatre mètres de circonférence, me disait que cet arbre devait avoir des siècles de vie, et qu'il aurait duré plus longtemps que nous. J'étais distrait. Je pensais en ce moment à la Vallée d'Aoste, qui a eu une vie collective qui a duré, tout comme le mélèze de Plontaz, de longs siècles parfois tourmentés. Je me de– mandais si la personnalité de notre peuple est, elle, destinée à avoir une suite, ou bien si nous sommes sur le point d'être annihilés par la transformation trop brusque de notre société. ~ En terminant ce trop long exposé, j'ose émettre un voeux: que dans la lutte pour la conservatiop. de nos tradi– tions, de notre langue, nous mettions un nouvel élan, suivant l'exemple lumineux que nous a tracé, avec tant d'autres, no– tre cher ami disparu; que l'âme valdôtaine puisse vivre plus longtemps que le vieux mélèze de Plontaz. N'oublions pas que les choses matérielles se détériorent sous l'action du temps, des agents atmosphériques; mais que l'âme d'un peu– ple sombre inévitablement dans le néant quand les hommes qui composent ce peuple ne parviennent pas à trouver la vo– lonté pour conserver leur âme collective. Une méditation en ce sens sera, me semble-t-il, le meil– leur moyen de rendre honneur à Ernest Page, notre cher Ami disparu.

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