BASA

140 L. Colliard suppliques aux autorités constituées en vue d'un rétablissement de leurs anciens droits. Figures compatissantes de « don Quichote » prenant les rêves pour des réalités, ils n'eurent pas la force morale nécessaire pour surmonter la situation tragique où les circonstances avaient plongé leur famille. Affaiblis et découragés, 34 ils s'abandonnèrent tous les deux à de pures fantaisies, à des rêves impossibles de revanche et de rétablis– sement. Personnages tourmentés, inquiets, instables; mais toujours cor– rects, polis, honnêtes, chevaleresques même, ils étaient doués d'un sens profond de l'honneur, que l'éducation aristocratique reçue dans leur enfance avait inculqué dans leur âme. Hommes d'une grande probité morale, traditionnalistes convain– cus, partisans aveugles du Trône et de l'Autel, ils n'ont rien de banal, de théâtral dans leur gêne extrême; au contraire ils surent conserver, même dans la détresse, des sentiments délicats, un jugement impartial et une piété qui les honore. Dans son Abrégé, Claude-François ne dit pas grand-chose de sa personne. Nous savons qu'il naquit à Châtillon le 25 juin 1817. Très faible de nature, il demeura pendant toute sa vie plutôt maladif; il était d'une maigreur extrême et très petit. Jusqu'à l'âge de 7 ans on plaçait les jambes de cette « grenouille écorchée » comme on l'appelait 34 « Surtout depuis que les affaires de la maison allaient très mal, citations sur cita– tions, sentences sur sentences, procès sur procès, exécutions et saisies, menaces des créanciers, deffection des subalternes, il fallait sans cesse accourir ici, apaiser là, parer à une menace, prévoir ceci et cela, solliciter celui-ci, apaiser celui-là. Ce n'était pas un badinage. Combien de frais à la veille de la discussion d'une cause, le procureur ne vou– lait plus servir, l'avocat était froid et pourtant il fallait constituer un procureur. Celui-ci se refuse, celui-là trouve un prétexte, pourtant l'on est cité pour demain matin à 9 heures au Tribunal. Alors que faire? Vite vite descendre à Quart et quoique pour le moment le fermier ne doit rien, il faut l'engager à anticiper une somme et lui graisser un peu la main pour cela et revenir très vite à Aoste pour apporter au moins un à compte au nouveau procureur et l'instruire de l'état de la cause afin qu'il puisse agir en conséquence. Ce n'est pas encore fini par là; souvent à défaut d'argent il faut faire quelque dette à l'auberge et offrir un gouter à l'avocat ou au procureur pour les engager à soutenir nos intérêts. A peine a-t-on réussi une affaire qu'il en sort deux ou trois autres encore plus compliquées et plus épineuses et il faut tenter de parer encore à celles-là. Il y a eu des temps où les mauvaises affaires semblaient venir comme vient la grèle pendant l'orage». Abrégé..., ms. cit., pp. 83-84.

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=