BASA

16 Académie St-Anselme Serai-je apte à parler de celui qui fut mon maître, de celui qui, plus encore, a été en quelque sorte mon père spirituel, avec la perti– nence et l'affection qui lui sont dues? Je ne voudrais pas réduire cet hommage à une nécrologie banale et conventionnelle, qui évoque une carrière et s'efforce de décrire une oeuvre. Je veux au contraire, quoi– que je sache bien que, dans sa modestie farouche, M. Kern en aurait eu horreur, - je tiens à rappeler des souvenirs personnels à travers lesquels les auditeurs et les lecteurs verront apparaître, d'une manière plus concrète et plus vivante, quel fut l'homme, quel fut l'érudit, quel fut le maître que nous avons perdu. En 1937, quand j'eus achevé ma licence ès lettres à l'Université .de Genève, j'entrepris la thèse de doctorat que me proposait mon maître en histoire médiévale, M. Paul-Edmond Martin. J'y travaillai ·quatre ans, dans des conditions peu favorables à l'effort intellectuel: j'assumais alors - avec bien d'autres responsabilités - un enseigne– ment dans un collège privé d'une station de montagne dans les Pré– alpes vaudoises; à ces charges s'ajoutaient la difficulté - et la len– teur - d'obtenir les instruments de travail nécessaires, puis, durant la guerre, les périodes de mobilisation, les restrictions de chauffage et d'alimentation. Mais, somme toute, même pour un jeune homme, s'évertuer ainsi à un ouvrage ardu, dans un monde qui allait s'em– braser, était une façon d'exorcisme contre les circonstances tragiques au milieu desquelles nous vivions. Quoi qu'il en soit, tant bien que mal, je parvins à la fin de 1940 à mettre sur pied une première rédaction de cette thèse qui portait, on ne l'ignore pas en Vallée d'Aoste, sur saint Bernard et les origines de !'Hospice du Mont-Joux (soit Grand Saint-Bernard). J'envoyai mon ours mal léché à M. Paul-Edmond Martin, lequel me convoqua à Ge– nève. Là, en parfait honnête homme et en grand «patron» qu'il était, avec tout ce que le terme renferme de déférence et d'affection, M. Martin me dit sans ambages: «Mon ami, je ne m'y connais pas assez en hagiographie pour juger votre travail. Il n'y a, en Suisse, qu'un homme compétent à cet effet, c'est M. Léon Kern, professeur à l'Université de Berne. Je vais vous adresser à lui ». Rendez-vous fut donc pris avec M. Kern et au printemps de 1941

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