BASA

Commémorations 17 je me présentai à son domicile, à la Gerechtigkeitsgasse, à Berne. L'entrée en matière fut directe et débuta par cette question: « Faites– vous une thèse pour obtenir un titre ou pour apprendre à travailler? » Comme j'optai pour le second terme de l'alternative, la conclusion se déduisit tout naturellement: «Eh bien, vous allez recommencer votre travail avec moi! » Quelque peu épouvanté d'abord par cette perspective, je n'allais pas tarder à reprendre confiance entre les mains de mon nouveau maître. En effet, pendant de longs mois, ce furent, à raison d'une journée par mois, en général un dimanche qu'il me consacrait tout entier, déjeuner compris où Madame Kern intervenait avec une infinie gentillesse pour détendre l'atmosphère devenue pesante après des heu– res de discussions, ce furent des séances de maïeutique extraordinaires. Les matériaux de mon sujet, je les avais rassemblés grosso modo; il s'agissait de les organiser en un ensemble logique et cohérent, de prendre conscience des problèmes qui se posaient à chaque pas et de m'efforcer de les résoudre. Pour la qualité de l'exposé, M. Kern était intransigeant: une démonstration demeurait une démonstration, et le but à atteindre, selon lui, proscrivait toute phrase et tout mot inutiles. C'est ainsi que, sous la conduite d'un maître dont la clairvoyance, la droiture, la logique n'étaient jamais en défaut, j'ai appris à récrire plusieurs fois de suite tel chapitre jusqu'au moment où la démonstra– tion lui paraissait sans faille. Quant aux problèmes à résoudre, l'érudition de M. Kern faisait des miracles. Nul mieux que lui n'avait le don de déceler une ques– tion mal posée, une assertion boiteuse, un argument fallacieux; mais aussi, pour y porter remède, il était toujours en mesure de signaler l'article ou l'ouvrage dont la consultation serait de nature à me remet– tre sur le droit chemin, et la séance suivante nous permettait alors d'avancer d'un pas. Je ne veux pas évoquer ici les étapes qui ont marqué l'élaboration de ma thèse sous la direction de M. Kern. Je voudrais dire que si ces séances de travail ont été laborieuses pour le jeune étudiant que j'étais, elles furent hautement efficaces, et enrichissantes aussi: elles m'ont donné, pour la vie, une méthode rigoureuse: c'est-à-dire la nécessité d'un plan général absolument logique; la mise en place de ses diverses parties avec leurs transitions; et, dans chacune des parties, le souci

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