BASA
18 Académie St-Anselme d'une information approfondie qui permette de déceler les traquenards semés avec abondance sous les pas d'un historien; le souci également du style, dont la clarté demeure la qualité dominante au mépris des répétitions, et du mot propre, car M. Kern ne cessa de me donner l'exemple de n'employer nul terme sans en vérifier au préalable le sens exact dans les dictionnaires. Ces leçons ne portaient pas seulement sur des questions de fond et des questions de forme. Elles allaient beaucoup plus loin, ou, plus précisément, elles partaient de plus loin: la transcription d 'un texte du x1n· ou du x1v· siècle devenait un cours de paléographie; l'édition d'une vita de saint Bernard offrait l'occasion de tâter les multiples embûches où l'on risque de trébucher quand l'on a affaire à un ma– nuscrit à transcrire et à annoter. Au sortir de chacune de nos séances, j'éprouvais, à la fin d'une sa– lutaire leçon d'humilité, le sentiment d'avoir appris en une journée bien plus qu'en plusieurs semestres d 'université. Et, par la suite, je pris l'habitude de ne rien écrire ni publier sans me poser mentalement la question: «Que va en penser M. Kern? » Tel est l'homme, l'érudit, le maître dont j'ai eu l'honneur d'être, pour ainsi dire, l'élève particulier pendant une année. De cet appren– tissage sévère et exigeant, auquel je me suis plié sans peine, j'ai con– servé un souvenir impérissable. D'autant plus qu'alors se sont tissés avec M. Kern des liens d 'amitié, puis d'affection, qui se sont maintenus pendant près de trente ans et que la mort seule a pu rompre. L'esquisse que je viens de tracer du « patron » providentiel qu'a été pour moi M. Kern permet d'entrevoir le bénéfice intellectuel qu'ont pu retirer de son enseignement des générations d'étudiants . De plus, le fait de se présenter comme élève ou ancien élève de M. Kern créait toujours et partout un préjugé favorable. Cependant, il importe aussi que je rappelle ici les principales éta– pes de sa carrière. M. Kern a fréquenté d'abord le collège Saint-Michel, à Fribourg, puis le gymnase de Lausanne. Revenu à Fribourg, il est entré à l'Uni– versité où il a préparé un doctorat ès lettres (obtenu en 1917), tout en suivant quelques cours à la Faculté de droit. En automne 1915, c'est le départ pour Paris, et l'Ecole nationale des Chartes dont il sera élève de 2e et de 3• année. C'est ainsi qu'après avoir bénéficié à Fri-
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