BASA

42 A .-P. Frutaz Le style de Monseigneur était simple et intelligible à tous, celui du Chanoine concis, limpide et souvent tranchant. Tous deux étaient historiens selon le langage de l'époque et ils sont à juste titre et à des degrés différents les meilleurs représentants de notre historiographie locale pour la période qui va de 1870 à 1925 environ. Mais aujour– d'hui seraient-ils classés tout court parmi les historiens? C'est M. Pierre Grelot qui va nous éclairer à ce sujet. « L'historien d'aujourd'hui, écrit M. Grelot, sait pertinemment que l'évocation du passé est indissociable de son interprétation... L'his– torien, par métier, va donc à la rencontre des hommes du passé dont il s'efforce de rejoindre l'expérience originale, en s'efforçant de la re– vivre en esprit pour la comprendre de l'intérieur. Ainsi conçu, son tra– vail s'apparente fortement à celui de la phénoménologie, dans une perspective diachronique. Tâche séduisante, mais redoutable, débou– chant sur la compréhension de l'homme dans sa généralité à partir de ses expériences singulières, mais susceptible des pires contresens. Il ne s'agit ni d'une science exacte, ni d'une " petite science conjectu– rale ", mais d'une connaissance concrète qui exige de la psychologie et du tact, une sympathie profonde envers les hommes de jadis et un détachement de soi assez grand pour comprendre en quoi leur expé– rience nous intéresse encore et nous éclaire sur nous-mêmes ». 1 Il me semble que l'esquisse de l'historien tel qu'on le conçoit actuellement, brossé d'une façon si pertinente par M. Grelot soit valable pour ca– ractériser !'oeuvre de mes prédécesseurs. En effet si nous considérons objectivement leurs ouvrages nous devons conclure que selon la doc– trine actuelle, on doit les classer tous deux parmi les spécialistes en histoire locale, qui ont évoqué d'une façon érudite le passé, mais sans toutefois l'interpréter constamment. Ils ont recueilli tous deux un immense matériel encore valable pour l'historien proprement dit, qui doit aller à « la recherche des causalités qui expliquent l'enchaînement concret des événements ou des conditions de vie » 2 du groupe socio– politique ou socio-culturel d'où provient l'individu ou les individus objet de l'enquête. Cette mise au point était nécessaire pour qualifier aujourd'hui exactement leur activité culturelle; elle n'obscurcit en rien 1 P. GRELOT, L'Historien devant la Résurrection du Christ, dans «Revue d'His– toire de la Spiritualité», 48 (1972), pp. 221-250, v. p. 223. ' Art. cit., p. 224.

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