BASA

L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE DEVANT L'OEUVRE DE SAINT ANSELME par PAUL VIGNAUX (Paris) Les réflexions que j'ai l'honneur et la charge de vous présenter à l'ouverture de ces journées d'études anselmiennes ne peuvent se référer à des prises de position tenues pour acquises; elles doivent au contraire dégager des problèmes. C'est donc sous un aspect interrogatif que j'aborde la situation de l'histoire de la philosophie devant !'oeuvre de saint Anselme, me demandant si et comment sa spéculation trouve place dans notre champ de recherches d'historiens de la philosophie . Il n'est pas difficile de justifier dès l'abord cette formulation interrogative. D'une part, aux temps même où les auteurs médiévaux étaient indignes de l'intérêt des philosophes modernes, le nom d'Anselme d'Aoste était retenu, par égard pour la ratio Anselmi du Proslogion, source du type de preuve de l'existence de Dieu que Kant appela « ontologique ». D'autre part, il y a quelques quarante ans, un historien phi– losophe dont les travaux ont tendu à réintégrer le Moyen Age dans l'histoire de la philosophie, Etienne Gilson, s'est senti obligé d'élucider à nouveau le sens et la nature du même argument pour répondre à deux théologiens qui en niaient le caractère philosophi– que: Karl Barth et Anselm Stolz. 1 Les analyses de l'un et l'autre valent d'être relues aujourd'hui. En reconnaissant que le bénédictin romain Stolz attire l'attention sur des « éléments essentiels » mais « trop négligés » du Proslogion, Etienne Gilson montre la difficulté , de qualifier cet opuscule de « mystique », en un sens précis de ce dernier terme; mais s'il refuse de le nommer « théologique », c'est à partir de sa propre notion de la « théologie »: une notion assez étroitement définie pour ne pas inclure tout intellectus fidei et per– mettre d'insérer entre « théologie » et « philosophie », termes d'une 1 É . GILSON, Sens et nature de l'argument de saint Anselme, in: «Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age» IX (1934 ), pp. 5-51.