BASA
12 P. Vignaux fausse alternative, un troisième genre spéculatif; celui de « gnose chrétienne» à la manière de Clément d'Alexandrie. Cette hypothèse acceptée, - du moins à titre provisoire-, notre question demeure: les écrits anselmiens qu'il faudrait ainsi classer « non-philosophiques » relèvent-ils encore de l'histoire de la philosophie? et s'ils en relèvent, de quelle façon? Pareille situation nous invite, historiens philosophes, à considérer une nouvelle fois, comme s'il datait d'hier, le défi de Barth excluant de notre domaine une oeuvre majeure d'Anselme, dans l'originalité même de sa conception. Quelques réserves qu'ap– pelle l'interprétation de la preuve de l'existence de Dieu dans le Fides quaerens intellectum 2 du grand théologien suisse, on ne peut relire cet ouvrage sans d'une part y admirer l'attention au texte et d'autre part éprouver sa puissance de suggestion. Avant de nous engager dans cet affrontement, indispensable pour atteindre le fond du problème qui nous est posé, nous pouvons cependant signaler certains aspects récents des études anselmiennes qui concernent sans conteste possible l'histoire de la philosophie. I En attirant l'attention sur la Logique de saint Anselme, 3 ces études ont d'abord fait apparaître l'importance du travail conceptuel que suppose la construction dialectique de ses ouvrages: effort qu'en se gardant d'une assimilation trop rapide à des procédés de notre siècle, on peut justement situer au plan d'une « analyse lin– guistique». Par élaboration de concepts, nous avons simplement ici à entendre explicitation du sens, ou plutôt des sens, des termes en usage afin de déterminer celui dans lequel le dialecticien pourra les employer sans manquer aux exigences de son art. Celles-ci lui interdisent en effet de se satisfaire du langage commun dont les « impropriétés » sont sources de « confusions ». Si l'on appelle « langue naturelle » le latin communément parlé, celui dans lequel la dialectique anselmienne s'exprime mérite le nom de langage « semi- 2 K. BARTH, Fides quaerens intellectum, Anselms Beweis der Existenz Cotte, Kaiser, München, 1931, - traduction française: La preuve de l'existence de Dieu, Delachaux, Neuchâtel - Paris, 1958. 3 Desmond Paul HENRY, The Logic of Saint Anselm, Clarendon Press, Oxford, 1967.
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