BASA
68 F. Brunner les données de l'expérience et l'au-delà de celles-ci est mee de cet au-delà: toute donnée de l'expérience a un supérieur, mais Dieu n'a pas de supérieur. Donc, ou bien la fonction de w qui n'est pas un w a la propriété r.p et, par là, nous ne quittons pas le monde, ou bien la fonction de w n'a pas la propriété cp, et nous quittons si bien le monde que tout lien avec lui est coupé. Ou bien encore on affirme la ressemblance et on n'atteint pas Dieu, puisqu'on l'assimile au monde; ou bien on nie la ressemblance et on n'atteint pas Dieu non plus, puisqu'on se prive de tout accès à lui. Ce double échec correspond à une double antinomie. D'abord l'antinomie mathématique: le successeur de l'ensemble des éléments susceptibles de degré est lui-même susceptible de degré; donc il fait partie de cet ensemble, quoiqu'il n'en fasse pas partie. Ensuite l'antinomie épistémologique: la fonction de l'ensemble des perfec– tions susceptibles de degré, qui n'est pas susceptible de degré, est impensable, puisqu'on ne pense rien d'autre ici que la succession des degrés; mais en même temps elle est pensable, puisque je la pense comme impensable. Vuillemin étudie en premier lieu l'antinomie épistémologique. Sans le postulat de ressemblance, répète-t-il, la preuve anselmienne s'effondre, car «rien ne garantit qu'au mot 'Dieu' correspond une quelconque signification » (p. 64); quand la transcendance s'accom– plit, la preuve n'a plus de sens. L'auteur enferme alors Anselme dans le dilemme suivant: ou bien on surmonte l'antinomie de l'impensable en distinguant des niveaux de langage; mais en prenant comme objet de pensée que Dieu est impensable, je pense non pas Dieu lui-même, mais son impensabilité, et je contredis la prémisse de la preuve, selon laquelle Dieu est pensable. Ou bien on conserve la prémisse de la preuve, mais l'antinomie la détruit, puisque Dieu est à la fois pensable et impensable. Vuillemin considère qu'Anselme n'a surmonté cette difficulté que verbalement en invoquant l'im– puissance de l'entendement humain (p. 71). L'équivocité de l'être n'est qu'un déguisement du paradoxe épistémologique (p. 79), qui ouvre la porte à l'arbitraire (pp. 80, 83, 85). Là où toute ressemblance est supprimée entre Dieu et le monde, nous n'avons plus· affaire, à propos de Dieu, qu'à des mots dépourvus de sens (p. 142). «Du point de vue de la raison pure» (p. 72), l'argument d'Anselme
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