BASA

76 F. Brunner L'auteur soutient qu'« Anselme ne sauve le caractère rationnel de son procédé qu'en entrant en contradiction avec lui-même; il admet que ce qui est tel que rien de plus grand ne peut être pensé peut être pensé et ne peut pas l'être » (p. 65). Vuillemin relève une « contradiction formelle » entre le chapitre XV du Proslogion, où il est dit que l'id quo majus cogitari nequit est plus grand que ce qui peut être pensé, et le début de la réponse à Gaunilon, où on lit que l'id quo majus peut être pensé. Ou bien on pense et comprend l'idée de Dieu, ou bien on ne la pense ni ne la comprend. Medium non datur. Mais Anselme ne cesse d'affirmer le contraire. Pour lui, nous comprenons ce que signifie id quo majus cogitari nequit, mais sans en avoir l'intelligence exhaustive. C'est pourquoi il peut déclarer tantôt que nous pensons Dieu et tantôt que nous ne le pensons pas. C'est pourquoi encore, il nuance le verbe comprendre. «Ce que l'âme a vu, écrit-il au chapitre 4 du Proslogion, est la vérité et la lumière; pourtant elle n'a pas vu Dieu, parce qu'elle l'a vu aliquatenus et qu'elle ne l'a pas vu comme il est ». Dans le Liber apologeticus, ch. 1, on trouve une distinction entre intelligere et penitus intelligere, et on lit sub finem: « Celui qui ne peut voir la pure lumière du soleil, ne laisse pas de voir la lumière du jour qui n'est pas autre chose que la lumière du soleil ». Le même livre contient une intéressante distinction entre « ce qu'on entend » quand on dit id quo majus cogitar{ nequit, et la chose même; la première peut être comprise aliquo modo, la seconde nullo modo. Le dernier mot d'Anselme est donc bien l'affirmation de l'ineffabilité et de l'impensabilité de Dieu, mais il ne s'ensuit pas que nous soyons condamnés à l'arbitraire. Penser Dieu comme l'être tel qu'on ne peut en penser de plus grand, puis comme l'être tel qu'on ne peut le penser; comprendre d'une certaine manière ce qu'on entend par l'id quo majus, puis comprendre que la chose même dont on vient de comprendre le nom échappe à l'entendement, c'est un progrès dans l'élévation de notre pensée vers Dieu, c'est un mouvement vers le créateur dont le propre est de transcender nos sens et notre intelligence. Vuillemin souligne que de «Je peux penser que Dieu est

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