BASA

142 C. Gagnon d'aller vers le soleil, est c'est ce même impératif qu'énonçait récem– ment un Karl Jaspers disant qu'une philosophie qui ne se commu– nique pas n'est pas une philosophie. En un sens très large, on pourrait donc considérer comme « pédagogique » le travail par lequel celui qui pense avoir trouvé quelque chose essaie de le transmettre aux autres de façon à se faire comprendre. Ce travail de la transmission est différent du contenu-travaillé à transmettre: tandis qu'il n'est aucunement besoin d 'expliquer à soi-même sa propre pensée, dès que l'on veut communiquer à quelqu'un d'autre cette pensée, il y a tout un travail d'explication qui devient nécessaire. Le mouvement perpétuel de répétition que le lecteur amateur voit dans les ouvrages de philosophie, n'est que la forme conséquente de toute vérité difficile à transmettre . En ce sens la préoccupation du chercheur qui a trouvé quelque chose n'est pas tant de bien penser, puisqu'il a déjà trouvé, mais de bien se faire comprendre, de bien l'enseigner. Je vais donc lire le Proslogion selon le vecteur pédagogique en essayant d'évaluer brièvement l'importance de celui– ci dans le travail qu'a nécessité l'élaboration du célèbre traité et de l'argument qu'il contient. Anselme cherche à comprendre ce qu'il croit (intelligere quod credit). 3 Il trouve en différenciant l'acte de compréhension de l'acte de la pensée, 4 puis en énonçant la nécessité d'impliquer le premier acte dans le second lorsque l'image intérieure visée est celle de Dieu . 5 Donc la compréhension du second énoncé (i.e. pensée de l'image divine implique compréhension de l'image divine) implique la compréhension du premier énoncé (i.e. la différence entre « penser » et «comprendre»). 6 A son tour, le premier énoncé repose sur les 3 ANSELME DE CANTORBÉRY, Fides Quaerens Intellectum; id est Proslogion, Liber Gaunilonis pro Insipiente atque Liber Apologeticus contra Gaunilonem, texte et traduction par KOYRÉ (A.), Paris, chez Librairie philosophique Vrin, (1930) 1964, p. 4. Pour mes citations ultérieures du texte d'Anselme, j'identifierai simplement par la lettre « K », pour KOYRÉ, suivie de la page. 4 Cf. Caput II (K-12 ). Voir aussi la reprise de la distinction au Caput IV du Liber Apologeticus (K-80). La phrase suivante résume bien l'énoncé en question: << Aliter enim cogitatur res cum vox eam significans cogitatur, aliter cum idipsum quod res est intelligitur » (K-16). C'est moi qui souligne. 5 Cf. Caput III (K-14) et Caput IV (K-16). L'authenticité du concept « aliquid quo nihil majus cogitari potest » est difficilement contestable puisqu'une « image déposée» le fonde: « Domine (...) creasti in me hanc imaginem tuam, ut tui memor, te cogitem, te amen» {K-10). • « Quod qui bene intelligit, utique intelligit idipsum... » (K-16).

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