BASA
L'argument d'Anselme 143 différents sens que peut avoir le verbe «comprendre». 7 Il s'agit donc en définitive de bien comprendre le plein sens de l'acte de comprendre. Ce n'est aucunement un jeu de mots: c'est seulement en comprenant ce qu'est l'acte de compréhension que l'on pourra comprendre le contenu du second énoncé . D'où l'exemple du Tableau avancé par Anselme pour faire comprendre ce qu'est l'acte de compréhension; exemple que Gaunilon ne comprendra pas justement! Tel me semblerait être non pas le point de départ théorique (le motif) mais bien le mobile du traité: pour Anselme-chercheur il s'agit d'une part de comprendre 8 et, lorsqu'il a compris (trouvé), de faire comprendre. 9 Le Proslogion, suivant les définitions que j'ai proposées ci-dessus, résulterait d'une préoccupation et d'un travail appartenant à une double situation pédagogique. 10 Un pédagogue a toujours un moyen auquel il peut avoir recours s'il juge que l'énoncé est particulièrement difficile à transmettre: il figure, il illustre, il « fait un dessin », bref il donne un exemple. Malheureusement l'exemplification est un couteau à deux tranchants et l'imagerie est parfois le point de condensation de l'incompréhension. C'est ce qui semble s'être passé pour l'exemple du Tableau avancé par Anselme et que je mentionnais à l'instant . En effet, les deux hommes (Anselme et Gaunilon), répondant au souci pédagogique 7 « ...ipse idem insipiens (... ) intelligit quod audit, et quod intelligit in intellectu ejus est, etiam si non intelligat illud esse. Aliud enim est rem esse in intellectu, aliud intelligere rem esse » (K-12). 8 «credo, ut intelligam » (K-12). Et plus explicitement encore: «Domine, qui das fidei intellectum, da mihi ut, quantum scis expedire », (K-12). 9 «Estimant donc que ce que je me réjouissait d'avoir trouvé pourrait plaire - s'il était écrit - à celui qui le lirait, j'ai écrit cet opuscule sur ce sujet...» (K-5). C'est pourquoi, bien que l'on ne puisse en être sûrs, je serais porté à penser que l'impératif pédagogique aurait joué aussi bien pour ce qui est de l'origine du Proslogion que pour celle du Monologion: « ...cogentibus me precibus quorumdam fratrum », (K-1). 10 Anselme écrit lui-même dans sa « Préface » que le titrage des Proslogion et Monologion a sa raison d'être dans la publication (i.e. les nombreuses transcriptions) de ceux-ci (K-4). D'autre part, la greffe d'une contre-texte (Liber pro Insipiente) au texte de l'argument, et celle d'une réponse (Liber Apologeticus) à celui-là sont, selon mon point de vue, la trace de l'importance du travail d'enseignement par l'intermédiaire duquel s'est élaboré le travail de la réflexion. La présence d'Adresses que chacun fait à !'autre (cf. la fin du texte de Gaunilon et celle de la réponse d'Anselme) prouve indéniablement l'existence d'une confrontation réelle entre les deux hommes. Je ne saurais dire si l'argument enseigné est théologique, logique ou psychologique mais j'oserais avancer que l'affaire se passe à !'Ecole: «Dieu agit comme le Pédagogue de Clément d'Alexandrie, mais c'est bien à l'élève de comprendre et de trouver par la raison la vérité que lui indique le Maître unique», dit Etienne
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