BASA
Saint Anselme liturgiste 287 Au principe énoncé au début et aux deux questions posées, Anselme va répondre avec son solide bon sens valdôtain et son humour normand. Tu t'étonnes, dit-il à son ami et correspondant, que les mêmes choses soient accomplies différemment dans des lieux différents? Mais tu oublies complètement que les Pères de l'Eglise, - « habemus enim a sanctis Patribus », - ont déclaré à qui voulait les entendre que si l'unité de la foi catholique était respectée, qu'importait la diversité des coutumes! Et si tu désires savoir pourquoi et comment est apparue la variété infinie des rites locaux, tu n'as qu'à prendre conscience de la diversité infinie des hommes, de leurs mentalités et de leurs institutions. Et après tout cela, conclut finement Anselme, si tu n'as pas encore compris cette variété si profondément humaine, il te faudra alors incriminer le Créateur lui-même de n'avoir pas façonné tous les hommes sur le même modèle! C'est le vieux proverbe français: « l'ennui naquit un jour de l'uniformité ». Pour ce qui est des signes de croix sur le pain et sur le vin et de la manière de les pratiquer, continue Anselme, le Christ et les apôtres n'ont donné aucune prescription ni aucun ordre à ce sujet. En conséquence, je ne vois pas pourquoi tu approuves ce que tu fais et tu réprouves ce que je fais! « In dubiis libertas ». Quant au fait de couvrir ou de laisser découverts le calice et l'hostie, cela relève du même critère que je viens d'énoncer. Les uns laissent les offrandes à nu sur l'autel, car, disent-ils, le Christ était nu sur la croix: je ne saurais les blâmer. D'autres recouvrent les offrandes avec les plis du grand corporal, arguant qu'au tombeau le Christ était recouvert d'un suaire: je n'y vois rien à redire. Car, en définitive, à la messe, ce n'est pas le Christ crucifié ou le Christ mort, mais bien le Christ ressuscité qui est rendu présent, et, dès lors, qu 'importe le mode employé, puisqu'il n'est que symbolique et ne touche en rien au réel! Et Anselme de conclure: « Nullius meliorem rationem respuens respondeo! ». On le voit, le gros bon sens valdôtain reprenait toujours ses droits, et, à l'âme tourmentée et scrupuleuse de son ami Walram, il oppose en souriant l'irréfutable langabe de la plus avertie des psychologies et du plus ouvert des esprits. Anselme possédait l'« esprit de la liturgie», selon le mot célèbre de Romano Guardini. Tout ceci m'amène à un deuxième point: quelle liturgie le jeune
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