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Commémoration de M. Julien Pignet LV Grenade, près d'Aoste, pour pouvoir contempler, au mois de septem– bre, les incroyables jeux de couleurs du soleil couchant derrière le Ruthor! Nous l'avons dit: cet érudit possédait, contre toute apparence, l'âme d'un poète et avait gardé la faculté, assez rare, de l'étonnement enfantin, de l'émerveillement toujours renouvelé devant les beautés de la nature. On se tromperait cependant grossièrement, si l'on s'imaginait que la vie de ce savant, qui semblait être taillée expressément pour les études d'érudition et la contemplation du beau, se soit déroulée paisiblement à l'ombre discrète des cabinets de lecture. Il y a un autre côté de la personnalité extrêmement riche et complexe de Julien Pignet, qui mérite d'être relevé: il s'agit de son esprit très marqué d'indépendance, de son horreur pour toute con– trainte, dans la ligne de la meilleure tradition valdôtaine. Il y a plus: notre ami (et ceci encore demeure un trait valdôtain fort caractéris– tique), couvait dans le tréfonds de sa conscience un esprit critique vivace et un anticonformisme très accentué; par ailleurs, cette tour– nure d'esprit, savamment nuancée et de nature aristocratique, s'appliquait chez lui non pas aux principes, mais au pragmatisme de la vie quotidienne. Cet aspect de son tempérament explique les étapes variées et presque romanesques de sa vie. Aussi, âgé de vingt ans et ayant à peine décroché son diplôme, demande-t-il d'être assigné aux écoles italiennes de Rhodes, pour se soustraire le plus possible aux influences et aux impositions du régime dominant. En 1943, pour fuir l'occupation allemande, il s'embarque, avec quelques amis, dans un mauvais bateau et, après une navigation aventureuse, il atteint la côte de la Turquie, d'où il passe en Palestine et ensuite en Egypte. Il reverra Aoste à la fin de la guerre. Ici, il est nommé professeur dans nos Écoles supérieures; mais des difficultés surgissent; d'ailleurs cela est notoire, « nemo propheta in patria », et le bon Pignet demande d'être transféré à... Lecce, où, naturellement, il enseignera... le français!