BASA

Comptes rendus des séances XXVII sacré mon enseignement à la philosophie du Moyen Age, je ne saurais oublier que c'est ici que Thomas d'Aquin a opéré cette restauration des valeurs politiques qui a changé le cours de notre histoire. Mais c'est encore un autre souvenir qui me revient à l'esprit, du temps où je tenais à Oxford un cours régulier sur Dante . Dante, vous vous en souviendrez, place Saint Thomas dans un des cercles les plus hauts du Paradis. Ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'il s'agit du Docteur Angélique. Mais ce qui est surprenant et émouvant à la fois, c'est que Dante réserve le mème rang qu'à Saint Thomas à son collègue et adversaire parisien Siger de Brabant, se souciant mème de préciser le lieu où Siger enseignait des « vérités dangereuses » (sillogizzo invidiosi veri). Ce lieu, si je ne me trompe pas , n'est pas loin d'id: c'est la rue de la Paille (il vico de li strami), qui porte aujourd'hui le nom de rue du Fouarre. Cette extraordinaire rencontre que Dante imaginait au Paradis entre deux philosophes qui s'étaient si fìèrement combattus sur cette terre , je ne manquais jamais de la citer à mes étudiants camme une preuve qu'aux yeux du plus grand Italien du Moyen Age l'Université de Paris était déjà de son temps ce qu 'elle est restée jusqu'à ce jour, un carrefour des idées , le lieu de rencontre des plus libres esprits de l'Europe. De cette ancienne et touchante fraternité qui nous unit depuis si longtemps , qui sait combien d'autres témoignages en pourraient apporter mes éminents collègues ! Mais je voudrais, si vous le per– mettez, introduire à ce propos une brève note personnelle. Valdo tain de vieille souche, j'appartiens à un pays dont le français est la langue maternelle. La tache des frontaliers, c'est d 'ètre le truchement entre deux pays , l'intermédiaire entre deux cultures . C'est à cette tàche que j'ai voué ma vie, et c'est pourquoi l'honneur que vous venez de me rendre me touche, pour ainsi dire, doublement. Car j'y vois un hom– mage non seulement à mon ~uvre et à mon humble personne, mais à ma petite patrie, à cette Vallée d'Aoste qui garde avec fìdélité la langue de ses ai:eux et son attachement à la culture française. Cet attachement toutefois, je suis bien loin d 'en faire l'apanage exclusif d'un peuple de frontière. Il est profond , cet attachement, chez plus d 'un de mes compatriotes de la Péninsule. Comment ne pas

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