BASA
Antoine-Claude V aléry 113 Quoique l'hiver soit la saison convenne des voyages d'Italie, je n'inviterai point à suivre cet usage, à moins qu'on ne s'y rende par ordonnance du médecin 69 . Contrairement aux goùts des Anglais, qui « à farce de scènes et de train ont contribué à l'amélioration des auberges » 70 italiennes, pour Valéry l'automne et l'hiver ne conviennent point à cette belle contrée, son aspect alors n'est guère différent de celui de nos provinces: c'est, à peu près, la mème humidité et le mème froid; les fleuves sont ,débordés, des pluies immenses et continues obscurdssent le ciel et inondent les champs. [ ... ] Mais si la nature a perdu son éclat, les monu– ments de l'art ne sont guère plus reconnaissables: ils sont faits pour la lumière et le soleil d'été 71 • Plus loin, il revient encore sur ce meme sujet, ainsi que sur le thème du voyage, en y ajoutant d'autres considérations et souvenirs susceptibles de nous aider à saisir sa véritable personnalité d'écrivain. Il avoue, par exemple, que chaque fois qu'il rentrait en France, par un temps affreux, vers la fìn de l'année, et qu'il rencontrait le long des routes alpestres tant d'élégants équipages se rendant en Italie, il avait le creur serré: je songeais avec peine, dans ma tendresse pour elle, à la première im– pression que ces étrangers devaient en recevoir; j'étais tenté de leur crier au milieu du chemin que ce n'était pas là l'Italie, la véritable Italie: les pauvres femmes de chambre anglaises, exposées inhumainement sur les sièges de devant et de derrière, m'inspiraient surtout une vraie pitié; elles avaient lu probablement Les mystères d'Adolphe, dans lesquels se trouve, parmi tant d'horreurs, une si riante description de l'Italie au printemps, et elles devaient éprouver en la voyant un triste mécompte 72 • En quittant défìnitivement et sans aucun regret le Val d'Aoste, pour rejoindre la plaine du Po, Valéry ne peut s'empecher de glisser à ses lecteurs une dernière remarque blessante, qui fait tort à l'objec– tivité et à la crédibilité de l'écrivain et du fonctionnaire: 69 Cf. VALERY, Op. cit., p. 25. 70 Ibidem, p. 25. 71 Ibid., p. 25. 72 Ibid., p. 25.
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