Mémoire sur la Vallée d'Aoste 125 noix et les amandiers; il est meme rare que ces deux fruits qui paraissent trop tot ne soient perdus. Dès que le temps se raffraichit, que la neige tombe un peu bas et que les nuits sont claires et sans vent, on est toujours en prieres publiques. Les chaleurs et les vents qui dessechent dans deux ou trois jours la terre rendent l'été presque aussi dangereux parce qu'il brule tout. On voit le long des murs les verjus meme secs au point d'etre broyés en poussiere. S'il survient quelque bourasque, elle occasione des ravines à chaque portée de fusil qui entrainent ces petits murs par lesquels on soutient le terrein dans ces collines rapides; les torrents qui charient infiniment sortent de leur lit et s'en font de nouveaux où ils renversent tout. La Doire, si les glaciers viennent à se rompre, croit subitement et fait des ravages infinis; il est rare cependant que ces orages soyent accompagnés de greles et meme de fort peu de tonneres. L'automne est assès belle. L'on n'y craint que des pluyes trop precoces et de durée, qui, donnant des neiges sur les hauteurs, oblige de retirer trop tot dans la plaine les vaches des montagnes, ce qui diminue la quantité de fromages et beurres qu'on y fait et occasionne par une... consommation la disette des fourages dans la plaine qui arrive aussi lorsque la premiere herbe a été emportée par les gelées du printemps. Les moeurs y sont assès douces, moins par la politesse qui n'en produit que l'apparence, et par l'usage du monde que l'on n'y a pas, que par un bon fond de crainte de Dieu et de la justice; le peuple y est generalement sobre, econome et laborieux, mais sans vivacité et industrie nouvelle, le peu de noblesse qui y demeure etant pauvre et n'y ayant pas meme des bourgeois riches, sauf quatre à cinq familles qui ont fait fortune dans les minieres ou dans la ferme du sel; l'on n'y connait pas de luxe. Il n'y a pas quarante familles dans le païs en y comprenant meme le clergé qui mange à leur ordinaire du pain blanc de froment. La pluspart vivent de pain de seigle qui est meilleure ici qu'ailleurs, que l'on y fait bien; le paisan encore ne fait au four qu'une ou deux fois l'an et laissant secher ses pains le brise et le fait revenir dans le bouillon ou le petit lait pour le manger. Il en consume ainsi beaucoup moins. Il sale quantité de viande de vache, veaux et chevres, et use rarement en menage de la fraiche. Cette parcimonie et la mediocrité des patrimoins rend tout le monde minutieux dans leurs interets et trop porté à la chicane qui est entretenue par une foule non limitée de procureurs avides et par quelques mau-
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