Bibliothèque de l'Archivum Augustanum

Mémoire sur la Vallée d'Aoste 165 anciennement des canaux d' arrosemens soit biailleres appellés ici Rû dont plusieurs remontent jusqu'aux pieds des glaciers qui traversent plusieurs lieux par des ponts et murailles sur les rochers et precipices, pour venir arroser des territoires comme est celui de St. Vincent, qui vient du dessus d'Ayas au pied du Mont Servin à plus de dix mille de ce territoire qu'il arrose tant en colline qu'en plaine; d'autres se tirent de la Doire ou du Buttier. On a rangé et egalisé partout le terrein pour le disposer aux arrosemens: chacun a sa quantité d'eau et ses heures fixées; dans le gros de la nuit comme dans le jour il faut y etre pour la faire repandre des petits ruissaux egalement sur tout son fond sans l'y laisser former des sillons et la chasser ensuite du coté de ceux qui en doivent profiter plus bas, de facon qu'à toutes heures de la nuits il y a plusieurs personnes dans la campagne à ce occupées pendant le printemps et l'été fort avancé. La grande chute de ces eaux venant des hautes montagnes fait qu'elles remontent meme où il est de besoin. Les foins se coupent deux fois dans toutes les prairies de la grande vallée arrosées et le troisieme foin seroit encore beau pour etre retiré s'il n'etoit necessaire pour nourrir le betail que les neiges precoces chassent du haut des montagnes. C'est un plaisir de voir avec quelle economie et facilité on menage ce troisieme foin au betail au lieu de l'abandonner dans les prés qui ne sont point separés par autant de haies qui en diminuent le produit, et de lui laisser fouler plus d'herbe qu'il n'en mange: le berger fixe à son troupeau la portion qu'il lui permet de paitre par des petites baguettes et chassant ceux gui franchissent ces limites. Le betail s'accoutume tout de suite à manger de suite, et un pré en partie fauché ne l'est pas avec plus d'egalité que ceux ci ne sont broutés. Les prés des montagnes ne se fauchent qu'une fois, mais ils ont aussi besoin d'arrosement, et d'engrais; les paturages memes en sont bien plus abondans sil'on y donne une partie de ces soins et celui d'en extirper les broussailles. Sous ce dernier nom on entend ce qu'on appelle montagnes où la neige ne cessant gu'environ quatre mois de les couvrir n'ont le temps de pousser qu'une herbe courte et tendre qui ne peut etre que broutée. Cette portion considerable de la richesse de cette province n'a augmenté de valeur que dès environ trente ans qu'on a appris l'art de les mieux faire produire, les mieux menager et celui d'y faire des meilleurs fromages pour lequel on fait encore venir des valleisiens gui sont plus experts;

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