Bibliothèque de l'Archivum Augustanum

62 J.-G. Rivolin ou contribueront au payement de cette charte de franchises. Cette liberté s'étend à leurs biens, qui ne sont pas soumis à l'échute 38 seigneuriale prévue par la coutume valdôtaine pour les hoiries des usuriers et des bâtards. Les usuriers qui participent au payement de la charte - mais non leurs descendants, s'ils pratiqueront également l'usure - pourront ainsi librement disposer de leurs biens par testament. De même, les bâtards n'ayant pas de descendance légitime sont autorisés à tester et à faire des donations: les seigneurs promettent de respecter leurs volontés et de ne rien prétendre au-delà des legs et dons que les testateurs voudront leur destiner spontanément. Les dispositions qu'on vient d'examiner peuvent susciter des perplexités. Nous sommes amenés à nous demander quels sont la réalité et les rapports socio-économiques qu'une normative de ce genre sousentend et quelle est l'importance quantitative et qualitative de ces deux catégories dans la société del'époque. La société médiévale en Vallée d'Aoste n'est, pour le moment, que très imparfaitement connue: il est donc impossible de donner des réponses exhaustives à ces questions; on peut toutefois avancer quelques hypothèses sur l'étendue du terme «usurier», dont la signification, dans des contextes tels que celui de notre charte, peut donner lieu à des équivoques. On sait que l'usure était combattue par l'Eglise; les seigneurs laïcs s'alignaient sur les mêmes positions, soit par convinction, soit par convenance - car nous avons vu qu'ils héritaient des patrimoines accumulés par les usuriers ou prétendus tels. Mais souvent, ainsi que nous l'avons souligné, ils étaient pressés par le besoin et devaient, en voie de conséquence, s'adresser eux-mêmes aux prêteurs d'argent, dont le nombre et le poids social avait dû croître, en Vallée d'Aoste comme ailleurs, proportionnellement aux besoins d'une économie de marché de plus en plus étendue et compliquée; d'où l'existence de comportements contradictoires, dont les incertitudes se reflètent sur la normative en la matière. Les franchises de Cogne de 1278 font état, d'assez 38 Le droit d'échute («escheyta») prévoit que, en certaines conditions - et notamment en cas de manque d'héritiers légitimes ou de crime grave - l'héritage des défunts revienne au seigneur. L'octroi du droit de tester en faveur des bâtards, présent dans l'immense majorité des chartes valdôtaines, fut ensuite généralisé à tout le duché et entra dans la coutume locale, consacrée par le Coutumier de 1588 (Livre III, tiltre XIX, art. XXX - Cf. aussi L. CHEVAILLER, Remarques sur la condition juridique du bâtard en droit valdôtain et en droit coutumier français, in «La Valle d'Aosta», cit., vol. I, p. 197).

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=