21 Le Flambeau - 06

hache et de mon caractère qui déteste tout ce qui est mignardise, af– féterie et formalisme? Peut-etre bien. J e crois, cependant, qu'il y a une autre raison bien plus profon– de. C'est, ici, un recoin de la Vallée d'Aoste, lequel, par ses horreurs sublimes, contribue à augmenter le charme général de ma Petite Pa– trie; je découvre aussi dans la rudesse de ce paysage un refiet de cette ame valdòtaine, qui se raidit devant les difficultés, qui résiste aux aussauts les plus sournois ainsi qu'aux attaques les plus grossiè– res; qui se cabre, à l'heure de la lutte, défiant le déchainement des forces coalisées contre elle, et qui, tout en agissant avec abnégation, garde son allure impassible et ne désespère jamais de la victoire fi– nale. * * * Tout en faisant ces réfiexions, je marche toujours. Mais, avant d'arriver à Ceinpériou, je veux noter encore quel– que chose dans mon calepin. Je m'arrete donc. Debout, au bord de la route, j'écris, à la hate. A ce meme instant, une superbe voiture me passe à còté. Parmi les voyageurs, qu'elle transporte je vois une da– me emmitouffiée dans de volumineuses fourrures. Elle me regarde, avec un sourire qui est un mélange de mépris et de pitié. Quant à son mépris, je ne proteste nullement. Elle sera sans doute, cette dame, (que, d'ailleurs, je ne connais pas et qui est déjà disparue, emportée par sa voiture) un génie et quelque chose de plus~ Moi, au contraire, je ne suis qu'un pauvre « tacaleun », qui marche en pantouffies (oui, messieurs, en pantouffies, toujours en pantouf– fies!) tandis que, de nos jours, à peu près tout le monde roule en auto (aujourd'hui, au moins trente autos m'ont dépassé le long de la rou– te), qui écrit des balivernes en négligeant, de la façon la plus scan– daleuse, les règles sacro-saintes enseignées si soigneusement par les instituteurs et les professeurs dument attitrés; qui marche comme un demi-soul... Bref, il y a chez moi de quoi susciter un juste et légitime mépris. Quant à la pitié, c'est autre chose. Je n'en a1 pas besoin. Il est possible (je le lui souhaite, en tout cas, de grand coeur) P-

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