21 Le Flambeau - 06
Le soir était tombé. Une obscurité angoissante enveloppait la montagne. On y voyait goutte à dix mètres de distance. Mais l'obscu– rité ne préoccupait guère les deux hommes. Le vallon de Faudery leur était aussi familier que leurs poches. Au moins mille fois, ils le avaient parcouru en long et en large. Ils reconnaissaient toutes les pierres qui jonchaient le fond du vallon. Les nombreux détours du sentier, la moindre échancrure de la roche leur rappelaient quelques év~nernents de leur vie de contrebandiers. Ils dévalaient tranquille– ment le sentier sous les rafales du vent, qui devenaient, de minute en minute, plus saccadé'es et plus violentes. Tout à coup, le plus agé s'arreta net. Il avait entendu comme un bruit presque imperceptible de pierres qui tombaient, à quelques pas au devant de lui. Il eut l'impression qu'un danger les menaçait. Il huma l'air de la façon · qu'aurait fait un chamois qui devine, tout près de lui, la présence du chasseur. Il redressa son corps, qu'il tenait vouté sous le poids de sa (( charge » et il fixa les yeux dans les ténèbies. Il ne s'était pas trompé. Il avait aperçu, à dix ou quinze mètres au devant de lui, plusieurs silhouettes d'hommes, qui essayaient de se dissimuler parmi les rochers. Il lui sembla .meme de voir briller, à travers l'obscurité, le canon d'une carabine. D'un mouvement instinctif, l'homme caressa la crosse de son ar– me. Ses poings se crispèrent; ses yeux brillèrent comme des tisons. Les deux hommes retournèrent à toute jambe sur leur pas. Ils immobilité la plus parfaite. Lentement, imperceptiblement, les ombres s'étaient détachées de la parois rocheuse. Elles montaient vers eux. « Caillein nos bas! Tornein en déré, vito! (à plat ventre! Re– broussons chemin, vite!)», cria le plus agé à l'autre. Les ·deux hommes retournèrent à toute jambe sur leur pas. Il coururent comme des démons pendant quelques minutes. Ils s'arre– tèrent enfin, à bout de sotiffie, devant une parois ripide et friable. * * * La roche forme, à cet endroit, une large échancrure à peine as– sez large pour permettre le passage d'une marmotte et finit brus– quement à quelques dizaines de mètres au-dessus du sentier. -30-
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