21 Le Flambeau - 06
Les nuages s'étaient dissipés peu à peu. Le froid était devenu plus vif. La lune, paraissant entre l'intervalle des nuages, lançait des gerbes de lumière opaque sur les montagnes environnantes. Le plus jeune, perché sur une échancrure étroite et humide, gar– dait une attitude pensive. Il revoyait dans son imagination le visage de sa fiancée. Il · faisait des projets pour l'avenir, qui finissaient tou– jours par des interrogatifs angoissants. Et s'il ne devait pas revenir? Et s'il allait etre pris par les douan,iers? Le doux visage de sa mère lui paraissait alors, souriante dans son petit chale de coton usé, et une !arme furtive baignait ses paupières. «A quoi penses-tu », lui demanda l'autre d'un ton sec. « Je pensais à ma mère, répondit-il; elle sera inquiète ~de notre retard ». L'autre, énervé, se tut. Il devint pensif à son tour. « Attends-moi ici, dit-il en se levant tout à coup, je vais reve– nir ». Et sa silhouette se perdit dans les ténèbres. L€1 plus jeune fut longtemps à l'attendre. Il le vit enfin reparaitre. « Je crois qu'il n'y a plus personne, clama-t-il, comme parlant à lui-meme. Ils ont diì rebrousser chemin. Mais ce n'était pas les doua– niers. J e comprends maintenant que ce n'était pas les douaniers. Ils n'auraient jamais su nous suivre jusqu'au Col. Ils ne connaissent pas le passage... C'était certainement le vieux Tonin, avec quelques-uns des siens. Il m'en a toujours voulu depuis la farce que je lui ai jouée l'année dernière... Il aura su que nous étions partis. Il nous aura ten– du le guet-apens dans I'espoir que nous eussions abandonné nos sacs en nous sauvant. Nous sommes des imbéciles, entends-tu. Des imbéci– les! Mais ce lache, il me la payera cher si j'apprends que c'est lui... Lève-toi, maintenant, il faut que nous descendions d'ici avant la lé– vée du jour. Hébété par ce qu'il venait d'entendre, le jeune homme obéit. Ils s'enfoncèrent tous les deux et disparurent dans la nuit. Aimé Chenal -34-
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