21 Le Flambeau - 06

Carnet de l'Alpe L'heure a sormé le départ pour les sommets. Déjà les troupeaux s'approchent vers le royaume des "chatz" que le printemps tardif de la montagne se plait à décor~r de jolies violettes. Aux beaux matins et aux couchers pleins de lumière, la soyeuse corolle livre son parfum aux prairies encore vierges cJes hauteurs. La violette est le premier sourire de l'alpe et le di;:rnier. Elle me apparut un jour lointain sur lè fin gazon d'un petit pays, pleih de fleurs et de lumière. C'est le souvenir des émois . anciens. Aux premières boufiées tièdes du printemps la petite fleur alpes– tre s'épanouit paisiblement sur les coteawr:, mais elle aime les hau– teurs. En ]uillet elle monte la moraine et prend l'espace vers les névés flambants des cimes, n'hésitant pas à franchir les trois mille mètres. Elle s'en va décorer les flancs abruptes des montagnes, piquer ç.à et là le vert tendre de la mousse, festonner les rochers. Et quand c!e lourds nuages encapuchonnent les sommets et la rafale siffle, l'hum– ble fleur s'incline, réunit ses pétales comme si elle voulait renfermer dans sa corolle la lumière du ciel et les feux du soleil, et après l'ora!Je relève sa tige plus belle que jamais dans l'atmosphère bleutée des hauteurs. Il m'est arrivé çle la ren,contrer encore à la fin de l'automne sur des couloirs balayés par les avalanches du vallon alpestre de Cuney. Eclose au pied d'un glacier ou, figée dans la brèche d'un sérac elle semblait se jouer de ma surprise en se passant de la matière, car un petit brin de terre lui avait suffit à la vie et n'avait pas craint, le rude climat, mystère de l'existence, harmonie de la nature.

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