21 Le Flambeau - 06

i:ravail, il l'a fait comme sa maìson, comme sa tab1e, comme ses sà– bots: il l'a créé. Il l'a créé avec sa famille. Il en a pris possession a– vec ses animaux domestiques, qui lui ont fourni l'engrais pour que cet humus devienne terre, cette terre qui lui donnera l'orge, le seigle, la fève, le froment, les lentilles, le chanvre, la pommes de terre et tous les autres produits. L'abbé Henry avait compris cela, quand il écri– vait à l'entrée de sa maison paroissiale: « Laudate dominum de ter– ra bestiae et universa pecora. Nous te supplions, ò Seigneur, par l'in– tercession de Saint Antoine, ton serviteur, de protéger tous les ani– maux domestiques et de les préserver et guérir de toute maladie ». Les animaux domestiques ont aidé le Valdòtain à progresser, à vivre mieux, à transformer son pays. Je parlerai une autre fois de la vache et des autres animaux. No– tre sujet nous fait parler à présent du mulet. Le mulet a joué un ròle capitai non seulement dans les travaux des champs, mais aussi dans les transports, dans le commerce. Les Arabes ont les dromedaires pour leur désert; le mulet (et l'iìne) sont les dromedaires de la montagne. Le mulet a multiplié par quatre ou par cinq la force de l'homme. Par son apport le commerce a pris plus d'ampleur; le mulet a ouvert l'ère d'une économie intérieure plus intense et d'une économie extérieure plus vaste, s'étendant au ·Canavais (bas pe lo Piémont, comme on di– sait), à la Savoie, au Valais. Il a permis à nos ancetres de se libérer un peu de la fatigue et leur a laissé le temps de penser et de médi– ter. La pensée est plus calme lorsque l'on tient un mulet par la bride que lorsque l'on porte sur son dos une lourde charge. La psychologie valdòtaine s'est créée à travers ces longues suites . de pensées liées à la fatigue de nos pères regagnant leurs vallées sous de lourdes char– ges. Cette pensée attachée à la terre est restée, et le muletier, bien qu'en partie libéré de la fatigue, reste toujours pensif, toujours philo– sophe. Mais avec le mulet nous sommes toujours à l'échelle de la force physiologique: c'est la force humaine qui se prolonge dans celle de l'animai. L'échelle est encore à la mesure de l'homme. Le mulet n'est pas encore un moyen mécanique. Il reste pendant des siècles le véhi– cule par excellence. On ne roulait autrefois sur route que d'Aoste en bas; les voyageurs venant de Savoie, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, ne trouvaient une voiture qu'à partir d'Aoste. Le premier moyen mé- -5-

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=