21 Le Flambeau - 06

canique auquel le mulet fut attelé n'est pas le chariot, mais la char– rue. Et le mulet restera l'animai de la montagne, l'animai de port plut6t que de trait, l'animai des sentiers plut6t que des routes: Lors– que la roue, le carrosse et la voiture viendront, le mulet sera sup– planté par le cheval. On ne lui laissera tout au plus que l'humble cha– riot. Le règne du cheval durera peu, le moteur prendra la dessus a– près avoir liquidé le char· à bancs et les autres véhicules rustiques. Notre pays a évolué, il s'est transformé. Notre histoire parle de l'homme, du mulet, de la roue, de la lutte pour se libérer de la fati– gue, elle ne parle pas, vue de ce c6té, des grands siècles littéraires, des règnes splendides, des chutes de couronnes, des guerres, des per– sonnages illustres. En quelques dizaines d'années nous avons assisté à des trans– formations énormes. La route pour rouler remplace la route pour marcher. La route carrossable qui semblait l'apanage de la vallée centrale est devenue une prérogative de toutes nos vallées latérales. N otre génération a pu comprendre encore la beauté de la vieille mesure, la beauté de nos vallées latérales, royaumes du sentier et du mulet, elle a pu connaitre encore la poésie de la vieille époque d'a– vant la mécanique. Le mulet était le grand maitre de toutes nos val– lées latérales, meme si on se hasardait de l'atteler à un minuscule chariot. Mais notre génération ne s'est pas arretée: elle a marché de l'avant. Non pas par vertu d 'autrui mais par vertu propre. Je dirais presque par une révolution. La Vallée d'Aoste a continué à se trans– former, à se créer, à se faire: elle s'est donné ses routes en ces an– nées camme elle s'était donné, à l'aube de san histoire, ses prés et ses champs. Elle a fait cela par un sursaut de volonté tenace, par une ges– te révolutionnaire qui lui a valu la possibilité d'atteindre les condi– tions économiques nécessaires pour . sortir de la situation d'infériorité dans laquelle ia tyrannie l'avait placée. La route a remplacé le sentier de montagne dans les vallées: à Champorcher, Valsavaranche, Rhemes, Oyace, Bionaz, Saint-Barthé– lemy, sur les coteaux, à Quart, La-Salle, Porossan, Arpuilles, Allain, sur les rochers escarpés comme à Perloz. Tous ces travaux sont en train d'etre accomplis. N os vieilles rcutes sont goudronnées et élar– gies camme à Courmayeur, Gressoney, Brusson. Le visage de notre pays se transforme. La civilisation mécanique a fait san entrée par -6-

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