21 Le Flambeau - 06

UN ESPOIR BlEN FRAGILE Il est difficile de conclure cet exposé d'une façon optimiste. En toute logique, l'avenir de la langue bretonne est sombre malgré le nombre encore assez elevé de cetLX qui l'emploient. Les chocs et remous de la dernière guerre ont joué contre elle, et aussi cette soif d'instruction et de progrès qui ne trouve à s'étancher que selon les formules parisiennes, les sources traditionnelles locales ayant été in– tentionnellement taries par un système éducatif qui n 'a pas évolué depuis Napoléon. Ce qui complique les choses, c'est la parfaitc bonne conscience avec laquelle les masses françaises, qui en sont. encore elles aussi au XIXe siècle à cet égard, pratiquent l'impéria– lisme linguistique à l'égard des cultures régionales suhjuguées par Paris. Si candide est leur sentiment de la supérìorìté de l'idiome il– lustré par Racine et Alexandre Dumas qu'elles croìent rendre servi.ce aux ;minorités ling1.ùstiques en leur arrachant leurs langues mater– nelles, et que les protestations qui s'élèvent leur paraissent risibles ou mal intentionnées 5 • En aoiìt 1960, lors d'un stage sur le bilinguisme dans l'éducation organisé à Aberystwyth sous les auspices de l'U.N.E.S.C.O., les dé– légués français, très compréhensifs aux problèmes qui se posent hors des frontières de la République, ont osé exiger que le cas des Bretons, qui avait été évoqué en séance de travail, ne soit pas mentionné dans les rapports finaux ! Pourtant, des événements récents ont montré qu'en diverses ma– tières l'.opinion publique française est capable d'évoluer. Jusqu'ici, il a généralement fallu cela, hélas, la pression des circonstances, et l'évolution s'est produite plus tard qu'il n ' eilt été sotÙ-:taitable pour une harmonieuse solution des difficultés. Cette opinion publique semble avoir commencé à se ·rendre compte que la suprématie pari– '>ienne asphyxie lentement la moitié de la .France, et elle parait o;;'ouvrir à de timides idées de décentralisation. Il n ' est donc pas tout à fait interdit d ' espérer qu'elle saura comprendre à temps que l'aveu– gle destruction de la langue bretonne est dommageable à la Bretagne et par conséquent à toute la colle~tivité française, puisque celle-ci est par définition une et indivisible; et que le mal fait ne peut plus etre enrayé par un simple laisser-aller, mais qu"une action postt~~:e et énergique est devenue indispensable pour rétahlir la situation du breton. (5) «La bonne conscience des ~ivilisé~ à l'égard cte c-eux qu'ils considèrent comme des barbares est vraiment insondable! » (Jacr!ues Madaule). -11-

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