22 Le Flambeau - 12
n'avait pas été plantée, je crois quelle y serait venue d'elle-meme. Ces ceps sont presque tous de la qualité qu'on appelle chez nous pecotendro, qu'on identifie avec le nebiolo, sauf quelques différences qui sont le. produit du terroir. Il y a encore de ces vieux ceps plus que centenaires: un seui peut couvrir l'espace de cinq à six roè– tres. Le bel age pour la vigne a duré des siècles. Puis sont venues des années désastreuses: l'oi:dium, le pérOJ.J.OSpéra qui obligeaient nos pauvres vignerons à faire, la brin– te au dos, cent ou deux cents escaliers pour sulfater les raisins déjà saisis par le mai. Ensuite, par comble de mal– heur, c'est le phyloxéra qui s'y est jeté et y a ravagé, d'autant plus qu'il n'y avait pas d'eau d'arrosage. Il y avait de quoi dé– courager les volontés !es plus· te– naces. Mais nos braves viticul– teurs ont tenu bon. Que ferons– nous de ces vignes ? ont-ils dit. Qu'y planterons-nous ? Des amen– diers? des noisetiers? Mais quand on a soif on désire autre chose que des amendes ou des noiset– tes. On disr1it alors qu'il fallait bru– ~er les échales, et que pour dix ans on devai t s'abstenir d'y replan– ter la vigne. Dix ans sans vin ! Y pensez-vous ? Dix ans sans res– sources, car du vin on en vendait, et on en vivait du gain. C'était décourageant en plein. Mais déjà une voix a couru. Il y a des ceps de vigne réfractaires au phyloxéra, des ceps sauvages: il n'y avait qu'à les greffer. A la bonne heure, nos paysans ont respiré. On s'est informé: le Berlandieri, le Rupestris 420, et quelques autres, venus depuis, et dont le nom m'échappe, qui sont particulièrement indiqués pour les coteaux arides. On se préci– pite vers les marchés, on s'exer– ce à la greffe. Au bout de quelques années, on voyait à la piace des provanes pleines de terre, des fosses pro– fondes, des tranchées, où l'on a– vait jeté tout ce qui pouvait fai– re engrais. Et dans ces fosses on voyait poindre de petits ceps ver– doyant. C'est l'espérance. Mais comment pourront-ils vi– vre sans eau, par des étés tou– jours plus secs ? La Divine Pro– vidence qui aime les pauvres, et récompense les efforts, a pris soin de ces petites plantes. Peut-etre y a-t-on porté de l'eau de bien loin, de temps en temps quelques pluies orageuses. Le fait est que ces plantes se sont enracinées, et ont émis, après quP.lques annPes, des pousses énormes, et se sont couvertes de jolies grappes. qui ont mùri. Le vin qu'on en a tiré n'est pas si mal. Bien sùr, ce n'est plus le vin d'autrefois. Il n'a plus cet aròme, ce goùt; mais à tout prendre, on peut le boire, et me– me il grise quelque peu. Sans doute aussi les nouvelles plantations demandent plus de soins. Il ne s'agit plus de les lais– ser à la merci de la Divine Pro– vidence. Il faut maintenant tour– ner la terre souvent, enlever l'her- -107-
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=