22 Le Flambeau - 12
chaire chrétienne, mais que je crois fort orthodoxe pourtant: N emo propheta in patria. L'ouvrier, travaillant dans son propre pays pour le compte d'un autre, ne peut faire abstraction de ses droits de cito– yen qui le constituent au niveau de son maitre et ont l'air d'ignobiliser l'obéissance; le travail se fait sans ardeur et sans amour camme pour les journées des corvées communales. Sa propre famille est toujours là avec les besoins de chaque jour, dès lors la rétribution, le traite– ment se prend en détail et il ne reste absolument rien à exiger à la fin de l'engagement; il ne reste qu'à faire à crédit les provisions pour l'hiver. Les occasions, les parents, les amis, les habitudes du diman– che sont toujours là et il est bien difficile de s'y soustraire. Et encore que les maitres ne se font pas défaut d'employer ce domestique camme · fac-totum à tous les autres travaux pour lesquels il n'était pas engagé, sans préjudice pourtant de celui qui est et res– te devoir d'état par suite du contrat verbal d'engagement.. L'ouvrier hors de son pays sait fort bien pourquoi il a dfr quitter sa famille, il se sait domestique, au service. Aucune relation ne l'en– gage, aucun orgueil ni pour le genre de travail ni pour les habits; il est à son maitre, et pour sa paye ! En partant de la maison il a pourvu tant bien que mal aux pro– visions pour la famille, .et celle-ci travaille et économise, car elle i– gnare quand l'argent arrivera. Au jour de la paye, l'ouvrier met quel– que argent à la poste et s'engage à en envoyer autant à chaque paye, ou bien son honneur et l'amour de la famille sont compromis; la mère de famille, heureuse encore de n'etre pas oubliée, ne dépense ces sous qu'avec la plus grande parcimonie et excite l'émulation des enfants pour le travail en plaignant le père absent, fatigué, seul, harassé, peut-etre souffrant: elle ne peut manquer alors de le louer et elle sait, au sein de la famille, marquer sa piace et faire sentir et regretter son absence. Ou bien l'ouvrier arrive, à la fin de sa campagne, avec une somme ronde, sèche, paye les petites dettes de l'année, fait les pro– visions un peu à l'avance et se soustrait ainsi à l'habitude de faire marquer à crédit chez les fournisseurs semaine sur semaine sans jamais se soucier du total que quand arrive un avis de payement avec une somme effrayante d'addition et menace de frais. Un autre paradoxe encore: les ouvriers étrangers travaillant dans un pays y sèment de l'argent tout en le gagnant sur le poste: il faut bien qu'ils fassent leurs provisions pour vivre. Les ouvriers du pays allant travailler à l'étranger, rapportent de l'argent dans leur propre pays et ainsi ils l'enrichissent et les uns et les autres, tandis que l'ou– vrier travaillant dans son propre pays dépense l'argent au fur et à mesure qu'ille gagne sans meme s'en apercevoir et sans tirer sa famil– le de la gene et du malaise. Dès lors formulons entre nous deux grand principe économique de la richesse ouvrière: il faut avoir un certain pécule pour devenir économe; les payements ne doivent pas se faire -125-
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