22 Le Flambeau - 12

alors au jour le jour, car les sous défaits sont ronds et ne s'arretent nulle part. Un bon vieux paysan de ton pays disait: les sous males, jaloux comme des coqs, ne restent pas en paix ensemble et se dé– bandent, les sous femelles se font les uns les autres. Comprends-y quelque chose si tu peux. Les proverbes de ce vieil hétéroclyte, sol– dat encore de Napoléon Ier, que je crois, avaient tous quelque chose de mystérieux et d'étrange. Il est mort chargés de sous, d'années, de neveux et de proverbes. Depuis le chalet, un sentier à mi-cote dans le vallon vous conduit à un plateau supérieur, où inclinant un peu sur votre droite vous vous trouvez à cette ligne un peu conventionnelle et arbitraire qui di– vise les paturages de St-Pierre de ceux de Sarre. Cette espèce d'arete gazonnée se prolonge au nord, avec plus ou moins d'inflexion, jusqu'à la sommité du Mont Fallère et au midi jusqu-à le pointe de Becca– France. Ep 1564, le 6 juillet, une partie de cette dernière montagne s'é– croula avec un fracas horrible et ensevelit sous d'énormes blocs de rochers le bourg de Thora ainsi que tous ses habitants. << Là, dit un vieux chroniqueur, où l'on voyait un si grand nombre de superbes é– difices des plus nobles familles du pays, on n'aperçoit plus aujour– d'hui que les autres temps et les renards ». Actuellement la dévasta– tion est moins sensible parce que l'emplacement du village est tout recouvert par une foret . Cet éboulement de la Becca-France, appelée de ce nom on ne sait trop pourquoi, me paraìt avoir plus d'une analogie avec l'éboule– ment, ces dernières années, du Bee Rouge ou montagne de la Molluire sur Sainte-Foy en Tarantaise, éboulement dont on a fait un si grand bruit à dominer celui de la cannonade des rochers. Ce que j'ai appelé une espèce d'arete gazonnée n'en est pas pro– prement une, c'est un plateau, çà et là assez large, avec quelques creux et enfoncements; il paraìt meme que l'on y distingue encore les traces d'un ancien ruisseau qui aurait utilisé les eaux du lac des morts. En hiver, la neige s'amoncèle sur le pateau; au printemps, elle s'infiltre entre les différentes couches de la roche, gèle, dégèle, regèle et augmente ainsi les fissures de la montagne, dont les blocs restent ainsi en équilibre instable. Qu'une cause quelconque vienne à troubler cet état précaire, une grande pluie qui ramollit le terrain, une grande sécheresse qui pulvérise la terre cimentant les blocs entre eux, un tremblement de terre qui ébranlerait toute la masse, et voilà un af– freux éboulement qui se produit. On ira bien pour une si grande catas– trophe chercher des causes surnaturelles, une punition spéciale de Dieu pour les désordres de la localité, mépris des fetes religieuses, transgression de la loi du dimanche, dans"es, viols, concussions, mal– versations et autres, mais le théologien comme le philosophe ne vont pas de suite recourir aux moyens purement surnaturels et ils savent -126-

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