22 Le Flambeau - 12
a dans les légendes populaires plus de fonds historiques qu'on ne le pense généralement; il y aura confusions, amalgame chronologique, les Sarrasins chevaucheront les Salasses, l'époque lacustre se chris– tianisera, l'age de la pierre vous laissera au fond d 'un lac maisons, creches, vaches et cha1nes en fer; tout sera pele-mèle, mais sur le tout surnagera un fait qui sera très-vrai et qui mérite de devenir très-his– torique, quoique oublié momentanément. Le peuple dans ses légen– des n'invente pas, meme il ne brod.e et n'embellit généralement pas, il confond simplement les dates et ne devient poète légendaire que quand il veut donner les causes. Généralement sa narration les met dans l'ordre naturel avant les effets, au lieu de ne rechercher les cau– ses qu'après l'accomplissement des faits. Alors san imagination se déploie et l'observateur peut saisir l'esprit dominant, le caractère et les croyances du pays. Il est un triste privilège qui n'est, par bonheur, réservé qu'à quelques savants de nos jours, celui de trouver des effets sans causes, des lois sans législateurs, des conséquences sans prémis– ses des toits sans supports, du transformisme sans substance pre– mière, de l'inertie active et mille autre coq-à-l'ane. Un de ces savants, dans san traité de l'homme préhistorique, Zaborawski en vient à lamenter la fatalité du progrès, loi implacable et dure et il ajoute ce sombre et humiliant aveu: << devant le spectacle des luttes sans fin qui nous attristent, le progrès, pour ne pas ètre une nécessité tou– jours urgente, ne nous apparait pas moins camme une fatalité qui d'un moment à l'autre peut nous serrer la gorge et nous anéantir >>. Le peuple est plus logique, il va tout droit san chemin, il suit, il sait le fait et quand il n'en trouve pas la cause, il ne peut pourtant s'arrèter; la cause, il la veut, il l'invente, il se la fabrique, religieuse, superstitieuse, ridicule, si vous le voulez, mais la cause, il la lui faut, san bon sens l'exige et ne peut s'en passer. Quel motif d'humiliation pour les savants qui veulent se distinguer de tous les autres que de n 'avoir pu abolir partout et exclure de toute circulation ce qu'on ap– pelle: le sens commun, c'est-à-dire celui qui reste à ceux qui ne se dis– tinguent en rien ! Ne vas pas croire ici que je veuille me permettre une incartade contre le célèbre physicien, J ohn Tyndall, que tu me vantes toujours camme le plus profond observateur et scrutateur des lois de la nature. C'est avec un vrai épanouissement de coeur que je te concède une ex– ception pour cette célébrité scientifique. M. Tyndall, épiant et sur~ prenant avec une si grande persévérance et une telle perspicacité les lois les plus subtiles de la matière a été saisi d 'une telle admi– ration, d'un tel sentiment de respect qu'il n'a plus òsé seulement lever les yèux vers le législateur. C'est un genre de respect que la profondeur du génie de Tyndall n'a pas osé secouer. Qu'est-ce que je vais me meler ici des savants et des efforts qu'ils font pour rechercher leur arbre de parenté avec les singes, laissons- - 129 -·
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