22 Le Flambeau - 12

thousiasme, cela n'y fait rien: allez voir vous-meme et puis après, vous m'en direz des nouvelles; mais disséquer, analyser, numéroter, longitudiner et latitudiner l'admiration c'est ce qui ne se peut faire en aucune façon. L'enthousiasme est une chose essentiellement re– lative et personnelle. La beauté des vues panoramiques s,' calcule sur l'ampleur de "l'ho– rizon qu'elles embrassent; plus cet horizon est vaste et plus on est sensé devoir trouver la vue belle, splendide, magnifique, incompara~ ble. Eh bien ! Dans la pratique, on n'a_.:.>précie que ce qui vient vous borner, vous barrer l'horizon. On n 'estime dans la vue que ce qui vous l'arrete ! Les obstacles sont-ils bien part1e intégrante de la jouissance. Je ne comprends guère la relation descriptive d'un panorama de montagne sans qu'une feuille dessinée, silhouettée plus ou moins fi– nement, l'accompagne. Les noms des pics que l'an a vus, que l'an a découvert, récité ainsi les uns après les autres, sans qu'ils soient ac– compagnés de leurs forrnes, de ce quelque chose de figure relative et personnelle qu'ils font au milieu des autres pics que l'an a vus, que l'an a découverts ne peuvent intéresser que ceux qui ont déjà visité la localité et qui, dès lors, en savent peut-etre plus que vous· et ne cher– chent que des souvenirs; pour les autres, ils gagnent tout autant à lire un dictionnaire géographique un peu détaillé, ils y trouveront l'altitude la position et la nationalité de leur rocher. Ici nous profitons encore de la circonstance pour envoyer quelques épithètes fort ressenties à la torpeur de notre ami Carrel: il invente une machine fort-simple pour prendre les panoramas et les prendre plus vite et plus précis, et puis ? C'est sa machine qui l'ar– rete ? Si, au moins, nous savions dessiner, nous nous passerions fort bien de Carrel, son absence serait inaperçue, mais, tu le sais, notre éducation est si nulle sur ce point camme sur tant d'autres ! Mon emportement ne va à rien moins qu'à proposer l'envoi d'une brulante invitation à notre ami, le peintre Alexandre Balduino pour venir des– siner le panorama du Mont Fallère. Gaspard fournirait quelques bouteilles de son excellent vin de Torrettes pour anirner l'artiste, auquel je servirais de guide et la première copie du travail serait envoyée en hommage à Carrel avec cette brillante et cordiale dédicace : « on fait sans toi et mieux de toi ». Rien de plus cruel qu'un ami piqué contre un ami. Camme les causes, les motifs, les objets et les modes de jouissance varient selon les individus, que les uns se pàment d'aise à s'imprégner de l'odeur du fumier dans une étable, tandis qu'ils restent cruches et buses à la quatrième puissance pour tout le reste, que les uns aiment la montagne et les autres la plaine, que ce qui excite l'enthousiasme de l'un provoque l'ennui et le mépris de l'autre, je n'òse pas émettre mon opinion personnelle sur les panoramas de montagne et je crois mieux faire de recourir à l'opinion de quelques personnages, desquels on ne -131-

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