22 Le Flambeau - 12
Le vii/age mort Des pierres, rien que des pier– res ! Le jeune homme ramassa par terre un débris. Il le souleva len– tement et il se piqua les mains dans les orties. C'était un vieux bol de terre rouge. Il en détacha un morceau: la terre était froide, humide, presque pourrie. « Décidément il n'y a plus de vie, tout est mort ! » Il ferma les yeux. Une sorte d'angoisse lui crispait le visage. Il demeura ainsi, immobile, un long instant. Devant lui, se déroulaient les souvenirs d'une enfance rude, mais .presque heureuse. Il y avait du vent, de la lumière et du pain noir. Tout à coup le jeune homme eut l'impression d'etre regardé. Il se retouma vivement et, de surprise, le débris lui glissa des mains. Là, au-delà des décombres, près de l'ancienne croix, était un horn– me; un vieillard. Il était coiffé d'un chapeau troué et par les trous pleuvait une dròle de lumiè– re, qui toutefois ne lui éclairait pas le visage. Il était sans barbe ni moustaches, ses mains s'ap– puyaient sur un baton. Le jeune homme s'approcha très lentement sans le quitter des yeux, puis comme pris par la crainte, s'écarta de quelques pas. Il leva la main droite, remua les lèvres comme pour parler. Enfin, il s'approcha de nouveau: - Vous n'etes pas grand-père... vous ? - dit-il, laissant tomber sa main. Le vieux regardait très loin, comme perdu dans un reve. Toutefois la voix fut normale: - Non, je ne suis pas grand-pè– re. Le jeune homme s'approcha en– core de quelques pas: - Et qui etes vous... alors ? . - Je suis le demier- répondit le vieux très lentement. Le jeune homme fronça les sourcils: - Le dernier ? Non..; Et il eut un sourire triste soule– vant son regard. Puis, il ajouta: - La croix ne veille que sur des pierres. Les vieux sont morts, le village est mort, la terre aussi est morte depuis longtemps. - Moi je ne suis pas mort, je ne mourrai pendant que cette ter– re ne sera repeuplée ! - s'écria le vieux d'une voix sèche. -52-
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