22 Le Flambeau - 12

Quand l'effacement des caractères regwnaux, que l'on continue stupidement à laisser opérer, aura englouti les derniers vestiges des particularismes des différentes régions et tout aura pris la couleur i– nusable de l'ennui, alors les aveugles aussi comprendront, hélas! u'n peu trop tard, toute la gravité d\1 problème. Le jour approche où tou– te personne signant chez une agence touristique un contrat de voyage, signera un contrat d'ennui. Pour traiter le sujet de la maison campagnarde, une des parures les plus expressives du pays d'Aoste, il faut un artiste, un inspiré, un architecte poète. Souvent on n'a sous main qu'un tecnicien fransplanté qui n'a rien compris des formes traditionnelles de l'architecture val– dotaine. Grand avaleur de kilomètres, il ne connalt que le couloir cen– trai de la Vallée d'Aoste, où les traditions n'ont pas été assez fortes pour résister aux envahissements de la laideur et des pires produits industriels standardisés. Du point de vue architectural, la Vallée cen– trale malheureusement n'est plus depuis quarante ans ce qu'elle était jadis. On internationalise l'aspect des nouvelles maisons campagnar– des, selon des formules cosmopolites imposées par la grande indu– strie et engendreuses de monotones, insipides, implacables répéti– tions. Et si l'on continue à tolérer dans les constructions à la cam– pagne la non application des constantes architecturales du pays d'Aos– te, à abolir les galetas, !es combles et les greniers, ainsi que le toit à deux pentes modérées (pour coiffer la maison d'un toit au faitage décroché, d'un toit plat ou très pointu), à ne plus vouloir la cave que l'on croit superflue et sans plus aucune fonction à remplir, les nou– velles maisons campagnardes, installées dans un paysage ancestral et construites de plus avec des matériaux apatrides, n'auront plus l'esprit de la Vallée d'Aoste. , Quelques-unes de ces maisons nouvelles de campagne, avec la monotonie de leurs formes purement géométriques et strictement uti– litaires, ont une expression glacée; elles témoignent d'un manque total d'imagination et de recherche; elles marquent le triomphe de la boite, de l'angle droit, du cubisme et subissent l'emprise stérilisante de la grande industrie qui limite toujours la variété d'expression archi– tecturale; elles brisent à jamais le rythme des lignes, inchangées de– puis des millénaires, des maisons du Val d'Aoste; elles ne représentent absolument rien par rapport à la tradition de l'architecture paysanne valdotaine; elles ne viennent de nulle part et ne vont nulle part, et par conséquent elles vieillissent très vite; elles défigurent irrémédia– blement un site en pénétrant par effraction dans un paysage ances– tral, plus souvent par ignorance des constantes architecturales que par nécessité ou par indifférence des hommes. Meme la constante de l'orientation de la maison valdotaine im– posée par le principe de l'ensoleillement et de l'ordre est quelques– fois oubliée par les constructeurs d'aujourd'hui. La maison ancestrale -56-

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