21 Le Flambeau - 03
On peut se demander pourquoi les Reconnaissances étaient renouve– lées en principe tous les vingt-cinq ans, mais dans la réalité un peu plus t6t ou un peu plus tard. C'est qu'au Moyen Age les traditions avaient vite fait de s'affirmer. Dans san ouvrage magistral La société féodale, Mare Bloch nous apprend qu'au Moyen Age un acte quelconque, une fois accompli ou, mieux, plusieurs fois répété, risquait de se transformer en un précédent, meme si, à l'origine, il avait revetu un caractère d'exceptionnalité, ou s'il avait été décidément abusif. Il raconte qu'au IXe siècle le vin était venu à manquer dans les caves du roi de France, à Ver, et que les moines de Saint– Denis furent priés d'y faire transporter deux cent barils. Dès lors, cette pres– tation leur fut demandée chaque année, à titre obligatoire, et il fallut un dipl6me impérial pour l'abolir. Il raconte aussi qu'il y avait à Ardres un ours, amené par le seigneur de l'endroit. Les habitants s'amusaient à le voir combattre contre les chiens, et s'offrirent de le nourrir. L'animai mourut, mais le seigneur continua d'exiger le pain qu'on lui donnait. Cette dernière anecdote est peut-etre contestable, mais sa valeur symbolique est hors de discussion. De nombreuses prestations nacquirent ainsi, et en conservèrent le nom. Inversement, un imp6t qui n'était pas suffragé par un acte notarié, risquait de tomber en prescription. (à suivre) A. CHENAL Service photographique de Edy Busana, garde forestier de Valpelline sorta spontaneamente» (M. ORLANDONI, Le monete coniate dai Savoia in Valle d'Aosta, in « Le Flambeau », n° 3, automne 1964, p. 62). La réforme carolingienne resta pratiquement en usage jusqu'à la diffusion du système déci– mal (elle est encore adoptée par les pays anglo-saxons), mais elle maintint en réalité une simple valeur nominale, car, à cause de la dévaluation.progressive de la quantité de métal noble employé (l'argent précisément) il devint nécessaire de diminuer continuellement le poids réel de la livre. Il faut tenir compte de circonstances de ce genre lorsqu'on s'attelle à l'examen de la situation économique du Moyen Age. De cette circonstance socio-économique dérivent: l'énorme quantité de mannaie employée dans les divers Etats européens; la valeur réelle différente d'un Etat à l'autre de monnaies qui en principe auraient dii avoir un pouvoir d'achat équivalent; la forme, les types et les noms des monnaies toujours plus éloignés du statut originai. Dans les anciens Etats de Savoie, la division de la livre en 240 deniers fut abandonnée pour laisser très vite la piace à l'écu de 5 florins de 12 gros en Vallée d'Aoste, de subdivisions différentes dans les autres Etats. En 1562, Emmanuel-Philibert s'attela à un noble projet: celui de la réordination des lois et de l'administration de ses Etats. Il tenta, entre autres, de réformer le système monétaire qui était devenu de plus en plus caotique, au fur età mesure que le temps s'écoulait. Ses inten– tions étaient de remettre en vigueur l'ancienne division carolingienne en livres, sols et deniers, et la livre, qui jusqu'alors n'avait été qu'une simple mannaie de compte, prenait dans cette réforme une forme réelle. Sa tentative échoua. Elle fut cependant reprise avec succès par Victor– Amédée 1er en 1631 et dura, bien que d'une façon désordonnée, jusqu'à l' introduction du système décimal voulu par Napoléon 1er. 67
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