21 Le Flambeau - 03

Seulles yeux étincellants du hibou avaient guetté ce petit sac d'os trot– tiner dans le feuillage et se baigner dans les eaux du Buthier. Au fil des saisons elle reconstituait ses provisions en ramassant selon les mais: les boutons mellifères, les flocons ouatés de l'épilobe, les racines du genévrier et toute sorte de baies et de champignons. Quand sa mauvaise humeur se faisait insupportable, la Fée reniflait un lichen particulier arraché aux mélèzes. Finalement poussée à s'exprimer à travers le bruit syncopé de ses éternuements, plus relaxée, elle s'abandon– nait à un long sommeil réparateur. Souvent dans ses sorties nocturnes, Peronette s'approchait de la Combe d'Arbière. Là, inévitablement, sa pensée volait vers Téolinde et Zénobie, jamais plus revenues à leur abri! Bien plus jeunes qu'elle, les deux Fées étaient disparues le matin du grand éboulement de Chamen. Taquineuses et impudentes elles s'amusaient aux dépens des bergers, absolument impuissants à dominer leur pouvoir mauvais. Les vaches en flairant la présence des Fées perdaient inexplicablement le lait tandis que dans les maisons un vacarme assourdissant épouvantait les enfants et les femmes. Quand les objects avaient fini de tourbillonner dans l'air, tout le monde poussait un soupir de soulagement. ça voulait dire que les deux Fées avaient largement épuisé leur énergie. Tout ça jusqu'à l'aube funeste où la Luseney s'écroula sur le pauvre hameau. Peronette, effrayée par l'événement qui avait ravagé la vallée, ne sorta plus de son trou. Elle avait douté de la fin de ses copines et toujours plus désolée elle ne pensait qu'à exhumer de sa mémoire les formules utiles à son départ. Terminés les pignons d'arolle que Téolinde et Zénobie avaient entassés avant de dispara1tre, le destin de la Fée malheureuse allait justement s'accom– plir. Le soir fatidique, elle s'éloigna hativement de sa caverne. Dans la nuit les chamois suivaient des yeux la figure spectrale qu'une force invisible pous– sait sur les flancs de la montagne. La Fée grimpait, grimpait, comme si au sommet quelqu'un l'attendait pour un rendez-vous tout à fait spécial! Un drole de nuage se baissa sur les rochers... Les oiseaux papillon réveillés brusquement d'une lumière sidérale, s'éparpillèrent en couronne sur la tete de Peronette. Elle souleva ses pieds minuscules et tout son corps fut entra!né dans un tourbillon de vent. C'est ainsi que la dernière des Fées disparut dans le ciel de Bionaz. J OSÉPHINE MARGUERETTAZ GAETANI 90

RkJQdWJsaXNoZXIy NzY4MjI=