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peut-etre plus riche, au mieux plus féconde, mais jamais plus vraie. Le dis– cours historique·est inévitablement subjectif. Tout cela ne veut pas dire, bien sur, que l'homme doive renoncer à faire de l'histoire. Cela veut dire simplement que ce faisant il doit etre conscient de la relativité de sa recherche. Les utopies de l'histoire Faire de l'histoire, c'est encore autre chose. Charles Marx a probable– ment vu juste lorsqu'il affirmait que l'histoire n'est autre chose que l'histoire du développement des forces productives. Pour l'Europe au moins, ce théorè– me acquiert une valeur fondamentale. Léon Bloy, de son c6té, avec une toute autre lucidité, allait disant qu'il y aura toujours des pauvres sur la terre, car s'il n'y avait pas de pauvres, il n'y aurait pas de riches. Le philosophe russe d'une part, le romancier français de l'autre, posaient donc dans toute son inéluctabi– lité l'existence de ce que l'on appelle maintenant la lutte des classes, le pre– mier consciemment, le second sans peut-etre trop s'en rendre compte. Bloy a trouvé à sa façon une solution partielle au problème de cette lutte impitoyable qui se poursuit en Europe au moins depuis l' époque carolingienne. Il disait que l'état de pauvreté, c.-à-d. le manque du supe1jlu, est un état de no– blesse qui conduit directement vers Dieu; ce qu'il faut éliminer de la terre, c'est l'état de misère, qui est le manque du nécessaire. Il n'est pas allé plus loin. Marx s'est trompé lorsqu'illui a fallu vérifier les conséquences pratiques de son asse~tion. Il s'est laissé bercer par l es memes fant6mes que le Christia– nisme, mais en renversant les termes du discours philosophique. Le Christ avait preché: ce qui est à moi est à toi, mais cette éthique, en pratique, n'est applicable qu'exceptionnellement, à cause de la relativité de la nature humai– ne, .de son agressivité permanente que les religions et les lois peuvent limiter, mais jamais éliminer. La sublimation de la matière, chez Marx - puisque pour lui il ne s'agit que de cela- répond au meme désir que l'exaltation chrétienne du spirituel. Marx est porté alors à transmuter l' ordre des facteurs de la proposition qui devient: ce qui est à toi est à moi. Ce fut son erreur logi– que, car ainsi tournée, la proposition porte fatalement au capitalisme d'Etat et à la coercition, avec des conséquences encore plus catastrophiques que celles provoquées par le capitalisme privé: la coercition est en effet le manque de toute liberté. La force du marxisme - mais c'est aussi son utopie - ne consiste pas à faire penser, mais à faire jouir. Le marxisme propose aux gens: "Ne vous en faites pas, luttez, votre histoire matérielle finira bien". Les hommes sont dans un état déplorable, ils souffrenttoutes sortes de tourments, ils sont malades; ils ont des problèmes d'argent, de sexe, de tranquillité, ils crèvent, et on leur dit: "Ne vous tracassez pas, à la fin tout ira pour Ie·rnieux''. La comédie est triste, mais le final est glorieux. On donne ainsi un sens là où il n' y en a pas, pour faire en· sorte que l'homme supporte l'intolérable. (Réflexions de Georges Duby). Tout compte fait, l'espérance de Léon Bloy est préférable à celle de Charles Marx, parce que moins utopique. On peut toujours tenter de soulager 121