21 Le Flambeau - 03

les hommes du poids de la misère, en entamant une partie du superflu. La poli– tique actuelle des nations industrialisées envers le tiers monde en est une ten– tative intéressante, meme si au fond des choses il y a toujours un désir de do– mination et de nouveaux profits inavouables. Mais on pourra jamais soulager les hommes de la pauvreté au sens de Bloy, parce que les "capitalistes", aussi bien dans les pays marxistes que dans les autres, ne sont pas disposés, et ne le seront jamais, à entamer l' autre partie du superflu, qui sert d' ailleurs aux réin– vestissements dans la production. Il y aura toujours des pauvres sur la terre, parce que le capita l est indispensable au progrès matériel de l' homme dans tous les domaines. Un équilibre subtil Cette digression, quelque peu philosophique, nous permet de nous pen– cher de nouveau sur les raisons qui nous ont suggéré cet essai: la vie et l'éco– nomie dans les temps passés dans la communauté du Valpelline et, mainte– nant, plus en général, dans la Vallée d' Aoste, car il serait capricieux de vouloir trop séparer une petite vallée comme celle de notre choix du contexte plus gé– néral représenté par l'ensemble de la patria augustana. On peut saisir, certes, des particularités, mais une vue d'ensemble para'ìt plus con·ecte. L'Etat, c'est-à-dire dans notre cas le comte d'abord jusqu'en 1416, le due de Savoie, ensuite, doit maintenir l'ordre social. Le sien est un pouvoir d ' équi– libre. Il est évident, surtout lorsque l'on étudie les Audiences Générales, que celui qui détient le pouvoir supreme s'est toujours préoccupé de limiter au ma– ximum l'exploitation des travailleurs de la part des autres. Après le naufrage et la dérive de l'Etat carolingien, l'Etat médiéval n'est pas au service d'une seule classe sociale: le jeu est à trois. Il y a réellement trois joueurs: d'un coté ceux qui bénéficient des fiefs que le seigneur leur accordent, !es exploités de l' autre, et ensuite le prince qui est à l' extérieur, avec son apparat, et joue le ro– le d'arbitre, et ne sert pas exclusivement la classe dominante. Naturellement, le prince vit en connivence avec cette dernière, c'est le moins que l' on puisse dire, il est son complice, mais toutes !es fois qu ' il peut, il imprime aussi son pouvoir sur la classe dominante en s' appuyant sur la classe dominée. Meme de nos jours, l'art du pouvoir consiste à ménager et la chèvre et le choux. S'il n'en avait pas été ainsi, s'ils ne se seraient pas sentis supportés aussi par le prince et par l'Eglise malgré son manichéisme, les tenanciers des fiefs se se– raient révoltés continuellement contre le contrale des seigneurs et la féodalité n'aurait pu tenir aussi longtemps le coup. Les tenanciers demandaient simple– ment que le régime seigneurial soit de moins en moins rigoureux. Ce fait peut para1tre bizarre, car avant l'an mille le système d'exploitation des travailleurs et du prélèvement de la plus-valeur étaient exercés par !es grands propriétaires fonciers. Par la suite, ce système d'exploitation est remplacé par un autre, beaucoup plus aliénant, beaucoup plus dur mais efficace: celui d'un homme qui, sur un territoire, peut dominer sur tous !es habitants qui ne soient pas des pretres ou des guerriers, peut !es juger, leur arracher ce qu'ils gagnent, ce qu'ils épargnent, parce que cet homme est revetu d'un pouvoir public, royal. Le seigneur remplace le roi, jl se considère et est considéré comme un délégué 122

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