21 Le Flambeau - 03
LES BONBONS Bonne nuit à tous.. . Excusez– moi, je suis tout chancelant, je peux tout juste marcher, parfois j' ai des sursauts ... Il me semble que les nerfs du gros orteil se re– croquevillent jusque derrière la nuque. Heureusement que le bras va encore bien, je peux encore le lever jusqu'à la bouche! La fem– me m'avait pourtant dit: il faut te frictionner, chaque soir, pendant un quart d'heure, avec la graisse de chamois... J' ai essayé mais ce n'était pas pratique. On n'a pas trouvé de graisse: c'est pas qu'il n'y ait pas de chamois chez nous, meme si on n' a pas un braconnier au village, ni aux Arlaches, ni à lssert. Il m'a fallu acheter cette graisse à un chasseur de la plaine. Eh bien, je peux vous dire que ça ne m'a rien fait du tout, juste bon à tacher les draps. Ils ont pris une drole de couleur... La femme n'a meme pas osé les laverà l'écurie. Mais, je me rends compte que je ne parle que de moi et ce n'est pas pour ça que je suis là... C'est pour vous raconter une his– toire que j'ai souvent entendue di– re par grand-père et il assurait qu ' elle était vraie, je peux vous le garantir. Une fois, il y a déjà long– temps de cela, il y avait à la cure d'Orsières un brave curé, plein de bonne volonté, zélé comme tout 128 mais qui ne se laissait pas embeter et quand les gens lui lan– çaient quelques piques pour rire, il savait leur répondre. D'ailleurs, tous les curés que j' ai connus ne tournaient pas sept fois leur lan– gue dans la bouche avant de par– ler. Le curé de ce temps-là était assez sévère et il ne bégayait pas, dans ses sermons, pour dire leur affaire aux hommes qui levaient un peu trop souvent le coude, ou bien aux femmes, aux jeunes fil– les surtout, qui commençaient à se maquiller la figure, ou bien qui portaient des robes qu'on ne sa– vait pas où elles commençaient et qui finissaient à peine après avoir commencé! Mais le curé avait quand meme un petit défaut... Un tout petit défaut: il aimait trop les bon– bons, les sucreries. Il fallait tou– jours qu'il en eiìt dans la poche, cette grosse poche à puce, pour en sucer quand il faisait le tour des villages de la commune. Il est vrai qu'il en donnait toujours aux enfants qu'il rencon– trait dans ses tournées. On l'invi– tait souvent quand on donnait une petite fete de famille, un petit sou– per. Pour lui faire plaisir, on fai– sait des bricelets, des bonbons et des bonnes choses. Le curé profi– tait de cette occasion pour faire sa provision, en cachette et à bon
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