21 Le Flambeau - 03

"C'est une langue belle à qui sait la défendre Elle offre des trésors de richesse infinie Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre Et la force qu'il faut pour vivre en harmonie". "A qui sait la défendre". Cela signifie que la Iangue française est menacée. Par quoi? Essentiellement par son appauvrissement, du fait de notre pa– resse à employer les mots justes, du recours de plus en plus fréquent aux mots étrangers et des carences de l'enseignement de l'orthographe et de la gram– maire. La langue s'appauvrit-elle réellement? Les avis sont partagés. "Il faut fai– re le tri entre les mots à la mode qui, par définition, ne vivront que pendant un temps limité et les mots nouveaux qui correspondent à une réalité et sont donc amenés à durer", explique Françoise Guerard, ancienne responsable des dic– tionnaires Hachette et témoin averti de l' évolution de la langue française. Parmi les causes de cet appauvrissement de la Iangue, la télévision et les médias en général font figure d'accusés. Marie Gatard, rédactrice en chef des dictionnaires Hachette, déplore qu ' à la radio et la télévision, les animateurs et présentateurs ne soient pas plus attentifs à la qualité de la langue employée: "La télévision est devenue la plus grande salle de classe du monde moderne, et pourquoi tolérerait-on des professionnels, dont le pouvoir et l'influence sont considérables, ce que l'on reprocherait à des écoliers?". Le linguiste Claude Hagège tient le mème raisonnement et dénonce "ce pouvoir démesuré de certains des usagers de la langue, dont la parole est écou– tée et imitée par des rnillions d'autres" .. . Peut-ètre, l'état de l'orthographe de nos chères tètes blondes est-il la con– séquence directe du Iangage audiovisuel. C'est en tout cas, une des raisons de sa faiblesse. Longtemps, l' orthographe ne fut pas ou peu enseignée, et il fallut attendre le premier tiers du XIXe siècle pour que le Dictionnaire de I' Acadé– rnie devienne en quelque sorte la charte écrite du français . Avant il n'existait pas de référence, mais un arsenal de règles plus ou moins respectées. En novembre 1988, une enquète menée auprès des adhérents de deux syndicats d' enseignants révélait que 90% des instituteurs et professeurs de col– lège souhaitaient une réforme de l' orthographe. Cette proportion considérable prouve l'étendue du malaise. C'est vrai que le français est une langue compli– quée, à l' orthographe et la syntaxe pleines de subtilités et de pièges, que rien souvent ne justifie. Les étrangers en savent quelque chose; les Français aus– si ... Le mot mème d ' orthographe est un piège à .. . orthographe. Pourtant, il semble que malgré les cris d ' alarme la situation ne soit pas aussi noire que certains voudraient le faire croire. Ecoutons André Cervel et Danièle Manesse, auteurs du livre La dictée, sous-titré Les Français et l 'orthographe2: "Le niveau moyen en orthographe des jeunes Français que le système scolaire livre à la société est beaucoup plus élevé aujourd'hui qu'il ne l'était il y a cent ans; le processus d'amélioration semble avoir été contino et il 2 Editions Calmann-Lévy-Inrp, 282 p. 12