21 Le Flambeau - 03

pes. Le jeune apprenti-maitre maçon se leva, alla à sa rencontre et lui prit le plateau des mains. - Donnez, dit-i!, c'est trop lourd pour vous. Il posa le plateau sur la table. Et comme Marie s'appretait à verser le café et !es tisanes, Charlotte se leva et dit à la jeune fille: - Laisse. Je vais m'en occuper. Va t'asseoir. Tu as assez travaillé au- jourd'hui. Marie alla s' asseoir à còté de son soupirant. Sitòt le café bu, Madame Baraing réclama une histoire. - Une de ces histoires de chez nous, pleines de revenants, de fantòmes et de sorcellerie, qui nous font frissonner la nuit, au moindre craquement des meubles. - Oui, oui, renchérirent !es filles et !es garnins. Monsieur le Curé, racon– tez-nous-en une bien effrayante! - Vous voulez une histoire de revenants? Je peux vous en raconter une. Mais plus qu'une histoire, c'est un épisode quej'ai vécu !es prerniers temps de ma mutation à Pont-Saint-Martin. Pierre Héréraz l'interrompit: - Je devine ce que vous allez raconter. C ' est... mais, non, je ne dirai rien. Et toi non plus, notaire, ne dis rien. Je vois à ton air que tu as compris. - Oui, oui, racontez, s'enthousiasma lajeunesse. - Bien, enchaina Don Vescoz. Je suis arrivé ici au printemps 1865. J'avais pris l'habitude de grimper chaque jour au "Crestas", soit pour me dé– rouiller !es jambes, soit pour lire mon bréviaire en toute tranquillité, loin d'un coup de sonnette intempestif. Je m'asseyais toujours sur une large souche de chataignier. Autour de moi, s' épanouissaient les fougères, !es lierres et les her– bes folles qui prolifèrent dans !es lieux sauvages et solitaires. Aucun bruit ne venait troubler le silence; pas meme la lointaine rumeur du village. Tout juste le cri d'une corneille qui avait fait son nid dans !es arbustes du ravin. De temps en temps, je fermais mon bréviaire et laissais vagabonder mon esprit autour de mille pensées sans m' attarder sur aucune. Un après-midi,- c' était la veille de la Toussaint- je me trouvais à ma piace habituelle. Il était environ cinq heures. Je m'appretais à rentrer à la Cure quand mon regard fut attiré par quelque chose qui remuait dans les fougères. Etait-ce un lièvre, un lapin de garenne, un chien sauvage, un gros serpent, ou quoi encore? Tout à coup, les fougères s'écartèrent pour livrer passage, vous ne sauriez imaginer à quoi! . . . Don Vescoz s'arreta, regarda !es visages attentifs, sourit, puis reprit son récit, escomptant d'avance l'effet de sa surprise. -Une tete de mort!!! Les jeunes filles frissonnèrent, les garçons firent des yeux ronds d'effare– ment, !es femmes se signèrent cependant que !es hommes se cantonnaient dans un silence discret. - Parfaitement! Une tete de mort, ou, si vous préférez, un crane humain avançait vers moi, par soubresauts, par saccades, sur !es tapis herbeux en légè– re pente. - Et quelle a été votre réaction? questionna l'ingénieur des Ponts-et– Chaussées qui se confessait agnostique. - Stupeur et panique! C'est norma!. Devant l'irrationnel, n'importe quel 50

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