21 Le Flambeau - 03

tout autour. Un creux dans le vallonnement attira mon attention. Je Hìtai de ma canne, elle s'enfonçait dans la terre molle. Il avait plu abondamment la derniè– re semaine d'octobre. Les fouilles ne présenteraient pas de difficulté. Un siìr instinct me suggérait que là, sous cette terre, gisaient des restes humains. Il fallait revenir avec des outils. Ce que je fis, après la Toussaint, non sans avoir requis l'aide de volontaires que la triste besogne ne rebutait pas. Mon intuition s'avéra juste. Seulement, nous trouvames deux squelettes, couché l'un sur l'autre. Plus de chair humaine autour de ces pauvres vieux ossements, seule– ment un uniforme d'officier de Napoléon et des vetements de femme, moisis, rongés, décolorés par le temps. Qui les avait enterrés là? Un mari, un amant jaloux, un fiancé prématurément trompé? Et quand? Bien des années aupara– vant, à constater l'état des restes. La police, alertée, enqueta, fouilla dans les archives. Rien, aucun indice. Dans le pays, personne ne se souvenait d'eux, personne n'avait dénoncé la dis– parition de quelque proche. Seui, un très vieil homme de Plan-de-Brun se sou– vint avoir entendu raconter dans son enfance, d'un officier de Napoléon accu– sé de désertion et de la disparition d'un couple qui habitait dans la maisonnette haut perchée sur le "Crestas". -C'est donc cette espèce de cabane croulante nichée dans le rocher du Crestas? Questionna le petit Jean-Louis. Elle a un air si sinistre! On y arrive par un chemin raide qui surplombe le ravin. C'est plein de vipères par là. - y etes-vous allés quelquefois? - Oui, et nous sommes allés aussi "curioser" dans !es ruines du vieux manoir. Avec des camarades. Un vieux du "Castel" nous a dit qu'il y a un pas– sage souterrain qui, des ruines du manoir, aboutit à l' antre de la Sibylle. - J'esr-ère que vous n'y etes point entrés dans l'antre de la Sibylle! - Si~ -Sèulement, quand les bougies se sont éteintes, on a eu le "trouillo- mètre' derangé. -Le; quoi? Que nous racontes-tu là mon petit? - Ben, oui, on a eu la trouille, on a pris peur. Il y faisait aussi noir que dans le c . . . pardon, le derrière d'un nègre dans cet antre. Et puis, il y avait beaucoup de "ratavouloire" (chauves-souris) qui voletaient autour de nous, nous fr6laient. On en a eu des frissons de dégoiìt et de peur aussi. Et on glis– sait et on respirait mal. Alors, nous avons rebroussé chernin. Ouf! .. . Monsieur Chenuil hochait la tete, mécontent. - Ainsi, on ne peut pas vous faire confiance, hein, garnements? Dès qu'on vous lache le collier, vous ne trouvez rien de rnieux que d'aller vous fourrer dans l'antre de la Sibylle. Et gambader autour du "Crestas" au risque de glisser sur l'herbe sèche et tomber dans le ravin! Et s'il vous était arrivé malheur? Comment me serais-je justifié aux yeux de vos parents? Hein? Faut– il vous enfermer à double tour dans votre chambre pour avoir la paix? La voix de Monsieur Chenuil était grondeuse mais ses yeux pétillaient de malice. Il se souvenait de certaines escapades de sa jeunesse.. . autour de ces lieux interdits et des punitions qui s'en étaient ensuivies ... L'antre de la Sybille était une espèce de caverne qui s'ouvrait entre !es murs du vieux castel, demeure des seigneurs de la plaine, pas loin des bords du Lys. Tout autour de ces antiques murailles, des maisons avaient été baties, pauvres demeures de paysans. La caverne attirait, par son mystère, toutes les 52

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