21 Le Flambeau - 06
MATIN DE GIVRE Silence figé, fèlé du cri des corbeaux. Le jardin se raidit sous le givre. Froissements, fissures, flaques d' eau, Empreintes de sombres traces ivres. Le soleil tire une couette douce et pale, Joue l'apprenti-sorcier et trébuche Le houx et le lierre se couvrent d'opale Les lauriers sortent d'un bain de peluche. Rescapé d'un Noel àjamais oublié Le sapin ne sait s'il faut verdir ou jaunir. Il garde dans sa moelle, en secret, Les fastes de tendres souvenirs. La toile d' araignée tendue à la rupture Cordage d'un mat empoissé d ' embruns blancs S'agrippe, camme pour replier sa voilure Aux rameaux desséchés, squelettes pantelants. Le givre transforme, démaille, ourdit, Les herbes ourlées, saupoudrées, duvetées, En d'étranges et fantasmagoriques croquis, A point de cha'ìnettes ou à gros traits. Les cristaux s'enlacent sans fin Se juxtaposent, s'agglomèrent, Roses des sables, miroirs sans tain Diamants taillés, éclats de verre. Le soleil amène sa tra'ìne de brouillard Cocon vide et serein qui se fiche du temps. Des paillettes flottent dans l' air hagard. Ni vent, ni bruit, ni mouvement. En pelisse de froid, sorti d'un conte de fée, Le jardin frissonne; et pourtant en coulisses, Les premiers crocus pointent le bout de leur nez. Le grand chambardement timidement se glisse. ROLLANDE MAZOLLIER 115
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